FMC DINAN

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voici les dernières informations sur l'affaire Tamiflu........

Chers signataires de la pétition adressée au Directeur Général de la Santé.

Comme nous nous y étions engagés, voici les dernières informations sur l'affaire Tamiflu.

Deux documents en pièce jointe :

La Lettre d'information et le compte rendu de la rencontre du 12 janvier avec Didier Houssin, Directeur Général de la Santé.

Vous y trouverez également une invitation à rejoindre, pour ceux qui le souhaitent, une liste de discussion spécialement dédiée à la réflexion sur ce sujet.

Pour l'inscription à cette liste, il suffit d’envoyer un courriel vide à l’adresse :
listepetitiondgs-subscribe@formindep.org

Bien cordialement.

Le Bureau du Formindep

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Compte rendu de la rencontre du Formindep avec Didier HOUSSIN, directeur général de la santé

          Nous, Philippe Masquelier et Philippe Foucras, avons rencontré mardi 12 janvier entre 11 h et 12 h le Directeur Général de la Santé, Didier Houssin, accompagné de deux de ses subordonnés qui se sont présentés comme médecins généralistes, le Dr Patrick Brasseur et une femme dont nous n'avons pas retenu le nom.


          Monsieur Houssin nous a d'emblée demandé pourquoi nous voulions le rencontrer. Nous lui avons répondu que c'était lui qui avait souhaité nous recevoir. Nous nous sommes étonnés qu'il ait oublié le motif de sa demande. Il a répondu qu'il ne l'avait pas oublié. Nous lui avons toutefois rappelé la teneur de notre lettre et le fait qu'elle était signé par plus de 1000 professionnels de santé, la plupart généralistes.

          Durant sa prise de parole, assisté du Dr Brasseur, il a expliqué qu'en situation de crise, les décisions devaient gérer le principe d'incertitude, et ne pouvaient pas toujours être fondées sur des données d'evidence based medicine, comme nous sommes (serions) habitués à le faire en temps normal. "Nous ne sommes pas dans la posture de faire des recommandations à partir de la médecine fondée sur les preuves".
Ils ont insisté sur le fait qu'il s'agissait d'une grippe inhabituelle, qui ne touchait pas les mêmes personnes que d'habitude. Ils ont parlé des "centaines" de cas de syndromes respiratoires aigus (SDRA) liés directement au virus que leur ont signalé les spécialistes hospitaliers, en disant qu'ils n'en avaient jamais vu autant. Le Dr Brasseur a cité l'exemple d'un de ces spécialistes qui cherchait jusqu’à présent à faire des études sur ces cas, sans en trouver suffisamment. L'épidémie actuelle lui en aurait donné à foison.

        Ils avaient des éléments pouvant "suggérer" que l'utilisation du Tamiflu serait susceptible de réduire le nombre et la gravité de ces cas. Didier Houssin a cité entre autres plusieurs "études" sur lesquelles les experts se seraient appuyés. Il a insisté à plusieurs reprises pour dire que ce sont les experts qui ont étudié la question et ont donné un avis sur lesquels ils se sont fondés.
Il a cité deux groupes d'experts référents : - le comité de lutte contre la grippe (CLCG) (nous lui avons rappelé comment leur déclaration d'intérêts avait été rendu publique au forceps début novembre 2009 suite aux révélations du Parisien). - la commission des maladies transmissibles du HCSP (nous n'avons pas connaissance de l'existence de cette commission, de ses membres et de leurs liens d'intérêts).
         Ces experts du HCSP et du CLCG auraient rendu en novembre 2009 un avis, qui serait public (nous avons contesté le fait qu'il soit public ou du moins facilement accessible, ils ont dit qu'ils allaient vérifier - après vérification il serait effectivement accessible sur le site grippal du gouvernement) préconisant l'élargissement de la prescription des antiviraux sur un mode "préemptif" en vue de la prévention des formes graves, c'est à dire à dose curative mais de durée courte. L'objectif étant de "réduire la mortalité chez les jeunes et les personnes à risque".
        Pour cela ils se seraient appuyés sur des études de différents pays suggérant des différences de gravité selon l'utilisation ou non des antiviraux. Il a parlé de l'Argentine et du Chili, mais également du Canada, des Etats-Unis, du Mexique. Il a dit également qu'une étude en Grande-Bretagne n'aurait pas mis en évidence de résistance à ce produit.
Il y aurait eu, ensuite, selon Didier Houssin, un accord de l'Afssaps pour cette utilisation de l'oseltamivir hors AMM.

          Le décalage entre l'avis des experts du 13 novembre et la "recommandation" de la DGS du 9 décembre serait dû, selon Didier Houssin, au fait qu'il fallait du temps pour retirer des pharmacies le Tamiflu Roche payant pour le remplacer par l'osetalmivir PG (de l'armée) gratuit.

      
Nous avons alors demandé à Monsieur Houssin ce qu'il attendait pour répondre à notre lettre en nous transmettant les avis et les études qu'il venait d'évoquer :
- l'avis des experts de la CLGE et du HCSP
- les études chiliennes et argentines (qu'il fasse confiance sur nos capacités à lire l'espagnol)
-l'accord de l'Afssaps pour l'utilisation hors AMM avec les documents qui l'appuient.
- Et tout autre document propre à permettre aux professionnels de santé de se faire une idée
par eux-mêmes pour décider de l'utilité ou non de cette prescription. Nous lui avons dit qu'attendre 1 mois une réponse scientifique en période de crise était inacceptable, et que si par hasard, la généralisation du Tamiflu était effectivement justifiée, ce délai constituait une perte de chance pour les patients.

         Nous lui avons dit de ne pas tarder pour faire cette réponse écrite, car d'autres que des médecins commençaient à s'impatienter et à s'étonner de son attitude.
         Nous avons insisté pour dire que la nécessité de cette information scientifique et transparente, était maintenant impérative pour les médecins au 21ème siècle, et que la gestion d'une crise ne dispensait pas, et au contraire, d'une information fiable et complète, pour permettre la confiance et l'adhésion des effecteurs de terrain. Or actuellement ces éléments de la confiance ont totalement disparu, comme en témoignent les commentaires des signataires de la pétition, du fait de l'attitude des autorités. Nous avons rappelé qu'en matière de santé "tout ce qui n'est pas transparent est réputé biaisé, incompétent et corrompu jusqu'à preuve du contraire" (Richard Smith).
          Ils ont fait un "mea culpa" à propos de la faiblesse de leur communication vis-à-vis des professionnels de santé et ont déclaré que c'était sans doute un des points sur lesquels ils devaient progresser.
        La discussion a dévié sur l'indépendance des experts et, nous appuyant sur le rapport de la DGS sur l'indépendance de l'expertise (rapport de M.D. Furet de 2008) qu'ils avaient eux-mêmes évoqué et que nous connaissons bien, nous avons insisté pour que les moyens soient pris pour mettre en place une expertise indépendante, quitte à recruter et à former des experts. Nous nous sommes élevés contre le discours récurrent qui consiste à dire qu’il n'y aurait pas d'experts indépendants, et qui se prolonge naturellement pour affirmer que l'indépendance est un gage d'incompétence.
La discussion a également dévié sur l'émergence de la médecine générale en tant que structure scientifique, et que pour les autorités c'était une donnée nouvelle à intégrer, à partir des sociétés savantes de MG (le CNGE et la SFMG ont été cités). Nous avons rappelé que cette émergence ne réglait pas le problème de l'indépendance des décisions, puisque l'influence de l’industrie sur ces structures, qui est déjà très présente, s'accroitra en même temps que l'augmentation de leur audience auprès des autorités.
On peut toutefois se réjouir de cette prise de conscience de la présence "scientifique" de la médecine générale dans la mesure où il est ressorti de l'entrevue avec la DGS que la décision de généralisation du Tamiflu à des millions de personnes (médicament dont on ne connaît pas l'efficacité pour la grippe H1N1, dont on connaît la très faible efficacité pour la grippe saisonnière, et dont on connaît les effets indésirables potentiels graves pour toutes les formes de grippe) aurait été prise devant l'éventualité
« suggérée » par des études non rendues publiques, que le nombre de cas de grippe grave (SDRA) puisse être réduit, alors que ces cas, s'ils ont été plus nombreux que dans la grippe saisonnière, ne se chiffrent qu'à quelques dizaines, voire centaines.
On est clairement dans un non sens de santé publique qui consiste à exposer l'ensemble d'une population avec un médicament au mieux peu efficace, au pire nuisible par ses effets indésirables, pour protéger hypothétiquement quelques dizaines de personnes.

         Au total, nous allons examiner la réponse que s'est engagée à nous faire Didier Houssin, dès que nous la recevrons, pour étudier si les données qu'il nous fournira permettent à des professionnels de santé responsables d'avoir les éléments pour décider au mieux de l'intérêt des patients. Nous étudierons également les éléments de transparence qui nous serons communiqués, en particulier les déclarations d'intérêts des experts impliqués, et des personnels de la DGSS.

        Monsieur Houssin nous a déclaré ne pas avoir d'actions de la firme Roche et pas voir d'inconvénients à ce que sa propre déclaration d'intérêts soit rendue publique. Nous lui avons répondu que nous non plus.
          Il nous a été répété qu'il s'agissait de la gestion d'une incertitude, et que par exemple, rien n'interdisait de penser que cette mesure pourrait être retirée d'ici 15 jours... Nous avons répondu qu'au fur et à mesure que l'épidémie avançait l'incertitude sur sa gravité potentielle se réduisait, en particulier sur les éléments épidémiologiques de l'hémisphère sud disponibles dès août-septembre, et a fortiori en décembre
Le contenu de cette réponse de la DGS sera évidemment communiqué aux signataires de la lettre et diffusé publiquement.

Des interrogations inquiétantes demeurent suite à cette rencontre :

- En quoi la gestion d'une crise sanitaire, et la confrontation au principe d'incertitude, justifie-t- elle que des décisions soient prises autrement que sur des critères fondés sur les niveaux de preuve scientifique ? Et sinon quels peuvent être ces critères ?

- L'hypothétique prévention de quelques dizaines de cas graves justifie-t-elle l'exposition de plusieurs millions de personnes en bonne santé apparente aux effets indésirables parfois graves d'un médicament ?

- Qu'en est il du "d'abord ne pas nuire" hippocratique, base de toute pratique de soins?

- L'absence d'information fiable, partagée et transparente avec les professionnels effecteurs de terrain, n'est elle explicable que par les contraintes d'une gestion de crise ? ou relève t elle d'un comportement "endémique" des autorités de santé vis-à-vis des professionnels et de la population, fondé sur l'argument d'autorité et le paternalisme ?


          Quelle que soit la réponse de la DGS, la prise en compte honnête de ces interrogations passe par une profonde remise en question des comportements des autorités sanitaires.
Les éléments de réponse que nous fournira la DGS permettront d'évaluer si cette remise en question des comportements des autorités doit passer également par une remise en question des personnes responsables de ces comportements.

Une information transparente, une expertise réellement indépendante, des données fiables, accessibles, transparentes et indépendantes, sont les éléments indispensables à une confiance entre les autorités sanitaires et la population, soignants comme soignés. En situation de "crise", plus encore qu'en temps normal, la confiance et les éléments pour la construire ne constituent pas une option facultative.

Philippe Foucras et Philippe Masquelier 15 janvier 2010
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