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15 Mars 2013
THÉRAPIES COMPLÉMENTAIRES = ThC : -acupuncture, hypnose, ostéopathie, tai-chi - Leur place parmi les ressources de soins
http://www.academie-medecine.fr/Upload/4.rapport%20Thérapies%20complémentaires1.pdf
6. Conclusions
En résumé, les ThC, nées de pratiques non médicales ou d’une médecine éloignée de la nôtre, et pratiquées initialement dans le seul secteur libéral par des médecins ou non médecins sans la caution des instances académiques et/ou professionnelles, se sont progressivement installées dans l’offre de formation des universités et l’offre de soin des hôpitaux, du fait d’initiatives individuelles,sans concertation ni planification, et sous l’effet conjugué de la faveur du public et des réponses insatisfaisantes de la médecine conventionnelle face à nombre de troubles fonctionnels.
Force est de constater qu’à l’heure actuelle ces pratiques, dont l’une ou l’autre figure au programme de presque toutes les facultés, dans l’usage de tous les centres d’oncologie, dans celui de la plupart des CHU et, semble-t-il, de nombreux centres hospitaliers et établissements de soins privés sont un élément probablement irréversible de nos méthodes de soins.
Conjointement, l’intérêt qui leur est porté dont témoigne le grand nombre de publications qui leur sont relatives, la croissance en nombre dans notre pays des projets de recherche clinique les concernant, et les connaissances en neurobiologie qui permettent d’en approcher le mécanisme obligent à les considérer avec sérieux, quand bien même leur efficacité n’est évoquée que dans un nombre limité de situations et fondée sur un niveau de preuve insuffisant.
Cela ne justifie pas pour autant l’engouement probablement excessif du public en leur faveur, ni le choix de principe que certains sont tentés d’en faire.
Ces pratiques doivent rester à leur juste place : celle de méthodes adjuvantes pouvant compléter les moyens de la médecine.
Elles ne doivent être préconisées que dans les cas où leur utilité est plausible, et au terme d’une démarche médicale par laquelle on se sera assuré qu’il n’y a pas, parmi les moyens éprouvés de la thérapeutique, une solution plus nécessaire ou plus recommandable.
En conséquence elles ne doivent jamais être choisies par le patient comme une solution de premier recours, ni comme une solution de remplacement qui exposerait à des erreurs ou retard de diagnostic et à des pertes de chance.
Une attention particulière doit d’autre part être portée au risque de complications (notamment des manipulations cervicales), au risque de diffusion abusive de méthodes d’utilité improbable (telle l’ostéopathie crânienne préventive du nouveau né), et au risque de dérive sectaire avec éloignement définitif de la médecine conventionnelle, particulièrement redoutable en cancérologie.
À tous ces titres, l’introduction des ThC à l’hôpital public, et notamment dans les CHU, est acceptable dans la mesure où l’hôpital n’est pas considéré comme garant de leur efficacité, mais comme lieu d’exemplarité de leur pratique et espace ouvert à la recherche les concernant.
L’expérience de ces établissements devrait contribuer à terme à l’élaboration d’un guide de bonnes pratiques destiné à tous les intervenants publics ou privés.
Les ThC à l’hôpital doivent rester intégrées dans la pratique des équipes soignantes, en supplément des moyens thérapeutiques validés, et ne jamais s’en isoler.
Elles doivent être réservées aux "patients de l’hôpital", c'est-à-dire ceux qui sont ou ont été hospitalisés, ou vus et traités en consultation externe. À cet égard elles ne devraient être accessibles en soins externes qu’aux patients suivis par les médecins de l’établissement, et tout au plus à des patients adressés par un praticien libéral dans le cadre d’un réseau.
Une consultation affichée de telle ou telle de ces pratiques ouverte à tout public est tout à fait déconseillée.
De même ces ThC doivent rester sous la dépendance des services ou unités de soins et l’organisation hospitalière doit exclure leur regroupement dans une structure autonome.
Les ThC à l’hôpital, étant partie des soins, ne devraient être dispensées que par des médecins et/ou des personnels soignants de l’établissement spécialement formés à cet effet.
Leur installation dans un service ou unité doit faire l’objet d’une autorisation par la direction après avis des instances médicales se prononçant sur un projet précis (méthodes utilisées, indications visées, praticiens et/ou soignants impliqués).
Elles doivent faire l’objet d’une évaluation régulière.
La pratique des ThC dans les hôpitaux, et particulièrement dans les CHU, doit enfin fournir l’occasion d’un fort investissement de la recherche française dans ce domaine où elle est à ce jour peu présente. Des travaux restent souhaitables pour tous les troubles et maladies admis aujourd’hui comme indications sur des niveaux de preuve qui restent, comme on l’a vu, assez faibles.
S’agissant des troubles ou maladies pour lesquels aucun effet n’en a été prouvé, la décision d’essayer une de ces pratiques devrait obligatoirement s’inscrire dans une perspective de recherche et comporter un protocole d’essai thérapeutique dûment déposé. Enfin, au-delà des essais cliniques, des recherches explicatives du mode d’action de ces techniques sont particulièrement souhaitables.
Reste le problème du nombre des ostéopathes, très excessif et en progression, et de l’inégalité de leur formation, double conséquence du nombre excessif des établissements de formation et de l’inégalité de leur qualité.
De cela résulte une offre tout à fait inappropriée au regard de l’expérience des pays comparables au nôtre avec ses dangers potentiels pour la santé publique : risque, évoqué par les auteurs du rapport précité de l’IGAS, de voir des ostéopathes non professionnels de santé « en situation précaire, tentés de prendre des risques en ne récusant pas certains patients qui ne relèvent pas de leurs soins » ; risque de voir les moins bien formés mal identifier les contre-indications ; risque de ce fait de connaître des pertes de chances et des accidents.
L’analyse de cette situation propre à la France, de ses causes et des remèdes éventuels qu’elle appelle déborde le cadre de ce rapport, et demanderait une nouvelle réflexion.
RECOMMANDATIONS
L’ANM rappelle que les pratiques souvent dites médecines complémentaires ne sont pas des "médecines", mais des techniques empiriques de traitement pouvant rendre certains services en complément de la thérapeutique à base scientifique de la médecine proprement dite.
Elle recommande de ce fait de les désigner par la dénomination de thérapies complémentaires, qui correspond mieux à leur nature.
À l’adresse des usagers et des professionnels, et afin d’éviter tout retard de diagnostic et/ou perte de chances, elle recommande :
- d'en éviter l’usage en l’absence d’un diagnostic médical
- de ne les accepter qu’avec une extrême prudence comme traitement de première intention
- de ne pas y recourir lorsque la présentation clinique est inhabituelle ou persistante et en l’absence d’un avis médical.
À l’adresse des hôpitaux et établissements de soins, l’ANM recommande
- de recenser les thérapies complémentaires en usage dans l’établissement ;
- de n’autoriser leur usage, ou la poursuite de leur usage, que dans une structure pratiquant des soins conventionnels, après avis motivé des instances médicales de l’établissement ; de ne pas affecter une structure autonome à une de ces pratiques ou à plusieurs regroupées ;
- de réserver, au moins dans un premier temps, les thérapies complémentaires aux patients hospitalisés ou l’ayant été, à ceux suivis en consultation et à ceux adressés de l’extérieur par un médecin dans le cadre d’un réseau de soins ;
- de ne confier leur mise en oeuvre qu’à des médecins, sages-femmes ou professionnels de santé travaillant sous contrôle médical, tous préalablement formés à cet effet ;
- d’évaluer régulièrement ces pratiques ;
- d’exploiter dans toute la mesure du possible les résultats de ces traitements dans le cadre d’essais cliniques, uni ou multicentriques ; de déposer un protocole d’essai pour tout projet dans une indication inhabituelle ou controversée.
À l’adresse des facultés de médecine, l’ANM recommande :
- d’introduire dans le programme obligatoire des études médicales, au cours du deuxième cycle ou en fin d’études, une
information sur les thérapies complémentaires, leur place, leurs limites et leurs dangers, destinée à permettre aux futurs
praticiens de toutes disciplines et modes d’exercice d’éclairer leurs patients ;
- d’encourager l’investissement des équipes hospitalo-universitaires concernées dans la recherche.
À l’adresse des autorités de santé, l’ANM
- préconise l’institution, sous une forme à définir, d’une base indépendante et actualisée d’information du public sur les thérapies complémentaires ;
- recommande que la Haute Autorité de santé, dans le cadre de sa mission "d’évaluation du service attendu des produits,
actes ou prestations de santé", soit chargée tout particulièrement de veiller aux bonnes pratiques et à l’actualisation des
contre-indications des thérapies complémentaires ;
- déconseille formellement l’institution d’un label ou la création d’un statut de praticien de thérapie complémentaire, qui
n’est pas justifié compte tenu de l’hétérogénéité de ces techniques, dont chacune pose un problème spécifique.
SOURCE
ACADEMIE NATIONALE DE MEDECINE
Rapport / 5 mars 2013
http://www.academie-medecine.fr/Upload/4.rapport%20Thérapies%20complémentaires1.pdf