2 Mai 2014
Dr Tanquerel (CH de Saint-Malo) : « Beaucoup de médecins DIM éprouvent un mal-être»
Le Dr Jean-Jacques Tanquerel, responsable du département d’information médicale (DIM) de l’hôpital de Saint-Malo jusqu’en juin 2012, dénonce dans un livre, « Le serment d’hypocrite »*, les manquements au secret médical liés à l’intervention de sociétés externes et raconte son combat.
Le Quotidien : Vous étiez médecin responsable du département d’information médicale (DIM) depuis 2004 à l’hôpital de Saint-Malo. En quoi ce poste est-il crucial ? DR JEAN-JACQUES TANQUEREL : Le DIM est devenu un service stratégique avec l’introduction de la tarification à l’activité, car il permet à chaque établissement de justifier de son activité et de toucher les recettes correspondantes de la (…)
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Le Mot de l'éditeur :
Depuis la réforme du mode de financement des hôpitaux qui instaure le remboursement par la sécurité sociale de chaque acte, l’État s’est adjoint les services d’ « agences conseil » entièrement privées.
Ces dernières soutiennent l’institution en optimisant les procédures de remboursement.
Pour ce faire, elles bénéficient d’un accès à l’ensemble de la vie médicale des patients.
Or, le respect de la vie privée et le secret médical sont deux droits fondamentaux du patient. Le secret médical s'impose à tous les médecins. Il couvre tout ce qui est venu à leur connaissance dans l'exercice de leur profession, c'est-à-dire non seulement ce que leur a confié le patient, mais aussi ce qu'ils ont vu, entendu ou compris (article 4 du code de déontologie médicale, article R.4127-4 du code de la santé publique).
Le Dr Jean-Jacques Tanquerel découvre le scandale alors qu’il est responsable de la tarification à l’hôpital de St Malo et donne l’alerte.
Il est aussitôt pris dans une incroyable tourmente où s’opposent intérêts financiers et droits des malades et le paie de sa personne.
Victime d’un burn out, il a dû prendre un long congé maladie.
Aujourd’hui l’ordre des médecins lui donne raison et la CNIL vient de publier un rapport accablant pour la puissance publique.
Ce témoignage pose les problématiques de cette question fondamentale pour tous par un récit vivant et de l’intérieur.
Jean-Jacques Tanquerel est médecin en hôpital depuis une trentaine d’années.
Il a commencé sa carrière comme médecin urgentiste dans différents hôpitaux normands, avant de devenir médecin hygiéniste dans plusieurs établissements. Il est actuellement praticien au centre hospitalier de Saint-Malo.
Jusqu’en juin 2012, il était responsable du Département d’information médical (DIM), en charge du codage de l’activité médicale dans un but de remboursement des prestations hospitalières par l’Assurance maladie.
C’est depuis ce poste qu’il a découvert l’étendue du scandale.
SOURCE
http://livre.fnac.com/a6728290/Jean-Jacques-Tanquerel-Le-serment-d-Hypocrite
Christophe Ferré est écrivain. Ses romans sont publiés chez Arléa, Flammarion et au Seuil. La p
hotographe (éditions du Moteur) a obtenu le Grand Prix de la nouvelle de l’Académie Française.
Avenir Hospitalier interpelle Touraine sur les pressions subies par les médecins DIM
Nicole Smolski, présidente d'Avenir Hospitalier. -
L’intersyndicale Avenir Hospitalier alerte la ministre de la Santé sur la situation des médecins des départements d’information médicale (DIM) dans les hôpitaux français. « Leur devoir déontologique de protection de la confidentialité des données de santé des usages (qu’ils codent, ndlr) est mis à mal par le recours par leur établissement à des sociétés privées de codage », peut-on lire dans une lettre de la présidente Nicole Smolski adressée à Marisol Touraine.
« Il y a un vrai problème de confidentialité des données lorsque les médecins DIM sont tenus de transmettre des données à des sociétés extérieures, non soumises à la déontologie médicale », explique au « Quotidien » le Dr Smolski.
Dernier incident en date selon Avenir Hospitalier, le Dr Jean-Jacques Tanquerel a été évincé de son poste de médecin responsable du DIM au centre hospitalier de Saint-Malo, en dépit de ses compétences professionnelles et sans s’être rendu coupable d’une quelconque faute, affirme le syndicat. Il contestait auprès de l’Ordre des médecins, du Sou médical et de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) l’autorisation donnée par la direction à une société extérieure d’accéder aux fichiers de résumés de sorties standardisées (RSS) pour en vérifier le codage depuis décembre 2012.
D’après la lettre du Dr Smolski, c’est l’agence régionale de santé de Bretagne qui a demandé au directeur du centre hospitalier de Saint-Malo d’affecter ce médecin « dans n’importe quel service » autre que le DIM.
Le Dr Jean-Jacques Tanquerel travaille aujourd’hui au service hygiène, « dans un bureau sans aucune tâche professionnelle », assure l’intersyndicale.
Dans une réponse commune, le CH de Saint-Malo et l’ARS de Bretagne nuancent en indiquant que plusieurs propositions ont été présentées au Dr Tanquerel après un arrêt maladie et que l’intérim du poste de médecin hygiéniste lui est confié en attendant sa nouvelle affection.
Des précédents
Cette affaire n’est pas la première dont se saisit Avenir Hospitalier. En juin 2011 déjà, le SNPHAR-E (présidé par Nicole Smolski) avait relayé les déboires de deux médecins à Grenoble et à Melun confrontés à l’externalisation du codage. Le syndicat avait contacté le Conseil national de l’Ordre des médecins, le Collectif interassociatif sur la santé (CISS), et surtout la CNIL au sujet du recours des hôpitaux à des sociétés extérieures chargées d’optimiser le codage. « Il faut savoir que ces boîtes touchent 8 à 10 % du surcodage », souligne le Dr Smolski. « Si cela optimise le codage et respecte la déontologie, nous ne sommes pas opposés par principe à cette pratique, qui découle de la mise en place de la tarification à l’acte. Mais cette externalisation aboutit au surcodage au bénéfice de certains hôpitaux et au détriment de l’assurance-maladie qui perd un milliard d’euros ! », assure la présidente d’Avenir Hospitalier.
Localement, le CH de Saint-Malo et l’ARS de Bretagne démentent tout surcodage. Le recours à une aide externe est limité à « la description et au codage de l’activité et à l’organisation des circuits de l’information », font-ils savoir.
Avenir Hospitalier attend désormais les résultats de l’inspection de la CNIL à Saint-Malo et plus largement l’intervention du ministère de la Santé sur la question de la confidentialité des données de santé.
› COLINE GARRE
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