FMC DINAN

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À NICE, la ministre à dit...

Discours de Marisol Touraine,

Ministre des affaires sociales et de la santé  03012-4018.PNG

Congrès de la médecine générale France 2012

– Samedi 23 juin 2012

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http://www.youtube.com/watch?v=CehTLtrsXAI

 

Seul le prononcé fait foi

 

 


 

 

 Monsieur le Président de….

 

Je vous remercie chaleureusement de m’avoir invitée à ce congrès, ce grand rendez-vous annuel de la médecine générale. Vous remercier, parce que je suis heureuse d’être parmi vous aujourd’hui pour marquer ce qui est pour moi le début du chemin que nous allons faire ensemble dans les mois et, je l’espère, dans les années à venir.

 

Je le dis : la médecine générale est pour moi essentielle, parce qu’elle constitue le socle de la médecine de proximité, au service et au plus près de nos concitoyens. Le fait que ce congrès connaisse un succès croissant en est l’illustration. Elle montre que la reconnaissance de la médecine générale en spécialité à part entière, avec son enseignement et sa recherche, est devenue une réalité que personne ne songe plus sérieusement à contester.

Vos valeurs, celles qui fondent la médecine générale, je les partage, nous les partaageons tous. La dimension humaine, d’abord, à travers la proximité du patient, de tous les patients, de leur écoute et de celle des familles : vous êtes les premiers témoins des malheurs mais aussi des bonheurs de notre société. Le progrès scientifique, ensuite, qui irrigue votre pratique quotidienne. La richesse des communications réalisées à l’occasion de ce congrès le montre. Vous avez su vous unir, représentants professionnels, scientifiques et académiques, au sein du Collège de la médecine générale, pour porter et défendre ces valeurs. Je souhaite que cette aventure puisse se poursuivre dans ce consensus.

Vous le savez mieux que personne, nous avons aujourd’hui besoin de faire évoluer le système de soins, et la médecine générale est au cœur des changements que je souhaite porter. La santé des personnes et des populations, voilà ce qui guide mon action. En tant que Ministre de la santé, des patients comme des professionnels, c’est avec vous que je veux porter ces changements. Dans cette période difficile pour les Français, pour les Européens, j’ai besoin de vous pour faire évoluer le système. C’est pour cela que je suis venue évoquer devant vous mes priorités. Elles auront des conséquences sur l’organisation des soins et bien entendu en premier lieu sur les soins que vous délivrez en proximité de la population. Et je veux que ces évolutions soient visibles pour les Français, qu’ils vivent mieux, en meilleure santé.

 

1)     Ma première priorité est de mobiliser le système de soins dans la lutte contre les inégalités de santé entre les Français.

 

Parmi toutes les inégalités, celles de santé sont parmi les plus insupportables.

Le constat a été largement dressé. Il n’est pas acceptable que dans notre pays, l’écart d’espérance de vie entre un cadre et un ouvrier soit aujourd’hui de 7 ans, qu’il y ait des écarts de 10 ans pour le nombre d’années vécues en bonne santé entre ces deux catégories sociales. Il n’est pas acceptable que ces inégalités se constatent dès l’enfance, et que par exemple l’obésité soit dix fois plus fréquente chez les enfants d’ouvriers que chez les enfants de cadres. Je naccepterai pas que la santé devienne un indicateur de pauvreté.

Ces inégalités relèvent à la fois des déterminants de santé, indépendants du système de soins,  mais aussi des conditions daccès aux soins. Ainsi, la responsabilité du système de soins dans la perpétuation de ces inégalités ne doit pas être écartée. Vous le savez, un système de santé disposant de soins de proximité de qualité, qui incluent une forte dimension de prévention, de dépistage, d’éducation à la santé, obtient de bien meilleurs résultats en matière de réduction des inégalités. Il conduit l’ensemble des patients à une meilleure prise en charge de leur santé : réduction des comportements à risque, développement des comportements préventifs, et en cas de maladie bonne utilisation du système de soins, observance des traitements, apprentissage de la vie avec la maladie. Une organisation des soins de proximité centrée sur ces priorités permet des relations individuelles fréquentes qui peuvent amener les personnes vers les bons comportements, et contribue à la réduction des inégalités de santé. C’est ce que  nous devons mettre en œuvre sur ce sujet.

C’est pour que ces soins soient accessibles à tous d’un point de vue financier que j’ai décidé de confier à l’UNCAM une négociation avec les syndicats représentatifs des médecins pour parvenir à un encadrement des dépassements dhonoraires. Ce chantier est engagé, mais concerne très peu votre profession qui exerce de manière très prédominante en secteur 1. Nous investirons aussi sur le déploiement du tiers-payant notamment pour les consultations de premier recours qui en sont à ce jour le plus souvent exclues, pour que les difficultés financières des plus défavorisés d’entre nous ne se traduisent pas en renoncement aux soins, et ceci dans des conditions de simplicité d'utilisation et de garanties de paiement pour les généralistes.

 

Les inégalités d’accès à la santé sont aussi territoriales.


2)   Ma seconde priorité est de permettre à tous les territoires de disposer dun accès à la totalité des services qu’un système de santé performant doit garantir sous votre responsabilité, en proximité, à la population : les soins, la prévention, le dépistage, l’éducation à la santé.

Plus de 7% de nos concitoyens habitent dans des zones dont la densité médicale est insuffisante. Ils étaient moins de 4% il y a 5 ans. Avec les perspectives démographiques et les départs à la retraite des générations de baby-boomers, l’avenir est préoccupant. Je peux vous le dire, en tant qu’élue locale d’une région en partie rurale, le départ à la retraite d’un médecin, c’est une inquiétude majeure pour la population. Et pour les élus.

C’est une question de justice et de confiance en notre système de santé. Un agriculteur qui cotise a autant le droit qu’un cadre supérieur de centre ville à un service de santé de qualité. Dans les faits, l’accès à un médecin généraliste en proximité est, dans beaucoup d’endroits, bien plus complexe. Les zones rurales sont concernées, mais elles ne sont pas les seules. De nombreux territoires urbains en grande difficultés sociales subissent aussi les effets de cette désertification médicale.

Ce processus de désertification doit être arrêté. Comment faire ? Le président de la République l’a dit pendant la campagne électorale, il ne croit pas à l’efficacité des mesures réglementaires coercitives en matière d’installation. D’autant plus lorsque ces mesures ne concernent qu’une partie des professionnels, les plus jeunes, qui se voient contraints d’assumer à eux seuls toutes les limites actuelles du système.

Il faudra sur ce sujet être innovant et au besoin faire sauter quelques tabous, pour répondre aux réelles attentes des jeunes médecins.

Grâce à l'investissement de beaucoup d'entre vous dans le troisième cycle de médecine générale, jamais sans doute les futurs généralistes n'ont été aussi bien formés et préparés à l'exercice de leur futur métier. Encore faut-il qu'ils exercent ce métier. Trop peu d'entre eux, dois-je dire d'entre elles, puisque ce sont de plus en plus des femmes, s'installent aujourd'hui ou retardent leur installation à un moment où, du fait des départs en retraite qui augmentent, nous en aurons le plus besoin.

A nous, ensemble, de leur donner envie d'exercer ce magnifique métier,d'imaginer et de mettre en œuvre les conditions concrètes qui leur permettent de le faire.

Ne nous voilons pas la face, ce n’est pas en leur proposant une installation isolée, même avec des incitations financières, que nous réglerons la question. Travail en équipes pluri professionnelles, horaires décents,installations facilitées pour les médecins libéraux ou nouvelles formes dexercice,implantations  de maisons,de pôles ou de centres de santé le cas échéant,mobilisation des hôpitaux de  proximité,parcours professionnels diversifiés avec les  hôpitaux : nous devrons expérimenter, inventer de nouvelles solutions, en lien avec les élus locaux, pour attirer les professionnels de santé là où on en a réellement besoin. Nous ne nous interdirons pas non plus de réfléchir à la négociation de mesures conventionnelles de régulation démographique que les autres professions de santé ont déjà adoptées.

Nous avons une obligation de résultat sur ces sujets.


3) Ma troisième priorité est de transformer les soins que vous délivrez en proximité pour quils sadaptent aux nouveaux besoins des patients.

Vous le constatez tous les jours dans votre patientèle, les pathologies chroniques, comme le diabète, et le vieillissement de la population ont considérablement modifié la nature et les  besoins de soins. Notre système de santé, à l’origine axé essentiellement sur le soin curatif, doit évoluer pour mieux gérer les parcours de soins des patients et valoriser la prévention.

Nous ne pouvons plus laisser les patients sorienter seuls dans le système de soins. Nous le savons tous, l’accès aux spécialistes de qualité, en ville ou à l’hôpital, est trop souvent lié au carnet d’adresse et aux relations.

Nous ne pouvons plus faire fonctionner des structures, les unes à côtés des autres, de manière étanche : les soins de ville, l’hôpital, les établissements médico-sociaux et les acteurs sociaux. Nous devons casser ces frontières, trouver les articulations efficaces et complémentaires, créer les parcours pertinents et efficients. C’est notre responsabilité pour les patients. C’est aussi notre responsabilité pour accroître l’efficience globale du système : le geste de qualité, au bon endroit, au meilleur coût. Le parcours de santé devrait pouvoir se faire à terme en tarifs remboursables. Ceci constituera une ligne d’action du quinquennat, un parcours de santé accessible totalement financièrement, par le réinvestissement sur les actes remboursés, en incitant de façon croissante tous les acteurs à pratiquer en tarifs remboursables.

La médecine générale et les équipes de soins de proximité constituent les éléments incontournables de ces nouvelles organisations. Ensemble, en étant en capacité de proposer des services plus complets, ils permettent à l’hôpital de retrouver sa juste place, une place de référence, d’expertise, de traitement des épisodes aigus, d’appui à la médecine de proximité. Mais c’est le médecin généraliste qui doit conserver la responsabilité du parcours de ses patients.

 

4) Alors comment faire pour mettre en œuvre ces priorités ?

La solution tient en deux mots : qualité et performance, vous en débattez ici à Nice. Ces deux objectifs guideront les évolutions du système de soins. La qualité pour tous, pour que tous les patients puissent avoir un accès égal à la santé. La performance, pour que nous puissions assurer cette qualité dans le cadre des contraintes financières qui vont s’imposer à nous.

Permettez-moi de mettre l’accent sur l’action que je conduirai dans cette perspective.

La formation constitue le premier levier pour mettre en œuvre ces priorités.

En matière de formation initiale, j’apporterai mon soutien à tout ce qui permet à la médecine générale de progresser scientifiquement et d’être ainsi toujours mieux valorisée dans les institutions universitaires : nommer des enseignants titulaires, favoriser l’ouverture de postes de chefs de clinique en médecine générale, trouver de nouveaux terrains de stage dans vos cabinets dès le second cycle, inciter à la mise en place de programmes de recherche ciblés sur le secteur ambulatoire et la médecine de proximité ; intégrer au mieux dans les maquettes de formations cette médecine de parcours, de premier recours, ces nouvelles organisations de soins, le travail en équipe de proximité. Je sais qu’il y a quelques difficultés statutaires en raison de la spécificité du mode d’exercice de la médecine générale, nous trouverons des solutions.

Concernant la formation continue, le collège m’a exprimé sa vive inquiétude quant à la mise en œuvre du développement professionnel continu (DPC).

Je suis une pragmatique, et je sais que ce dossier a été très lourd à mettre en œuvre. C’est pour cela qu’a priori je ne souhaite pas tout déconstruire et recommencer ce chantier très lourd. Néanmoins, je serai ferme sur un point : je veux être certaine que le DPC soit en mesure de constituer un réel levier de mise en œuvre de mes priorités en matière de soins de proximité. Je souhaite me donner encore quelques jours pour expertiser les éventuels ajustements nécessaires au respect de cette priorité et notamment de son efficacité et de son indépendance. J’ai donc demandé à l’administration de décaler la première réunion de la commission scientifique indépendante  pour que nous puissions trouver une solution consensuelle.

Cest aussi par une approche territoriale de proximité que nous mettrons en œuvre ces nouveaux services de santé de proximité.

Je souhaite confier une responsabilité de santé aux acteurs de proximité, pour un territoire et pour une population. Ces territoires, pour les situer, peuvent comprendre jusqu’à 40 000 habitants en zones urbaines et bien entendu beaucoup moins en zones rurales. Cette réalité, le territoire de proximité, largement ignorée dans la loi HPST, doit être au cœur de notre action.

Les acteurs de la proximité, élus locaux, CPAM, rectorat, responsables de la médecine du travail, de la PMI, de la santé scolaire, animés par les délégués territoriaux des agences régionales de santé,  construiront les politiques de santé de proximité avec les professionnels de santé au sein d’une commission territoriale d’accès aux soins.

Une contractualisation avec les équipes de soins de proximité viendra concrétiser la mise en œuvre de ces politiques. Cette contractualisation permettra notamment de rémunérer l’engagement des équipes sur certaines priorités de prévention.

La constitution de ces équipes est au cœur de notre projet. Ce travail pluri professionnel existe déjà dans les équipes de cancérologie ou en diagnostic anténatal, il se développe dans le monde libéral autour de la dynamique des maisons de santé, et aussi dans le monde salarié des centres de santé. Notre mission est de généraliser la présence d’équipes de santé de proximité sur tout le territoire, quelle qu’en soit la forme juridique ; c’est le sens de l’engagement du Président de la République de constituer un pôle de santé de proximité sur chaque territoire. Le binôme médecin/infirmier constitue le noyau de ces équipes à partir duquel les relations se tisseront avec l’ensemble des autres professionnels, notamment le pharmacien.

L’organisation en équipe répond aux attentes des jeunes générations. Elle permet d’assurer plus facilement de nouveaux services pour les patients : la continuité des soins et l’intégration de la prévention, la prise en charge des demandes de soins non programmées, un accueil sur des plages horaires plus grandes, une permanence des soins mieux assurée. Le fonctionnement en équipe permet de mettre plus facilement en œuvre une médecine de parcours, en application de recommandations produites par la HAS et le HCAAM. Notre système doit être en mesure de déployer de manière beaucoup plus efficace ces recommandations afin que chaque patient puisse bénéficier d’un niveau de qualité homogène au meilleur coût.

encore, nous ferons preuve dinventivité pour que ces équipes se déploient : rémunération versée aux équipes, aux structures, notamment pour valoriser les actes de prévention, mise à disposition de « services » aux équipes de soins, nouveaux modes d’exercice… Les systèmes d’information devront aussi constituer davantage un levier déterminant et là encore, il faudra faire preuve d’un certain pragmatisme.

 

Enfin, je souhaitais terminer mon propos en évoquant la méthode. Ces politiques, nous les mènerons avec lappui des professionnels de santé. Je sais ici que vous êtes majoritairement convaincus de leur nécessité, mais nous devons discuter des moyens et des nouveaux outils que nous créerons pour soutenir ces évolutions.  Que ce soit dans le cadre classique conventionnel ou dans d’autres instances, les discussions seront ouvertes ; elles permettront de définir un cadre national assez large qui laissera les marges de manœuvre nécessaires au niveau local pour contractualiser avec les équipes de proximité.

Le calendrier : le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2013 inclura les premières mesures de ce projet majeur du quinquennat, mesures qui seront donc présentées au parlement au mois d’octobre. Je souhaite d’ailleurs que cette négociation ouvre des perspectives sur l'évolution, dans le temps, de la rémunération des médecins et de leur harmonisation.

En effet, les modes de rémunération constituent un frein essentiel à cette organisation en équipe.  Le paiement sur objectifs de santé constitue une avancée, car il permet de mieux orienter certaines pratiques en cohérence avec des référentiels. Cependant, il n’est pas incitatif pour le travail en équipe. C’est pourquoi je souhaite que des travaux soient menés de manière concertée avec l’ensemble des professionnels de santé dans deux directions : la mise en œuvre d’une part forfaitaire autour de la fonction médecin traitant, modulée sur des objectif de santé publique et d’organisation des cabinets ; la rémunération du travail en équipe.

Voilà, Monsieur le Président du collège de la médecine générale, les premières orientations que je souhaitais exposer devant vous. Vous l’aurez compris, c’est la priorité de notre gouvernement en matière d’organisation des soins. C’est par la constitution d’équipes de soins de proximité que  nous pourrons proposer des parcours cohérents,  de qualité, et performants. Cohérence, qualité, performance, je crois que nos préoccupations sont très proches. Je compte sur vous, sur votre collège et à travers lui sur la médecine générale française pour être la cheville ouvrière de cette transformation essentielle de notre système de soins.

 

 

 

 


 

 

http://www.lequotidiendumedecin.fr/information/medecine-generale-nice-marisol-touraine-mise-sur-les-equipes-de-soins-de-proximite

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