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Halte au Dextropropoxyphene

Contraintes de suivre l’avis émis par un comité de l’Agence européenne d’évaluation des médicaments (EMEA), les autorités sanitaires françaises annoncent le retrait progressif du Di-Antalvic et des autres médicaments associant le DXP (dextropropoxyphène) et le paracétamol. Cet antidouleur est prescrit en France depuis 1964 aux personnes qui ne sont plus soulagées par le paracétamol seul, l’aspirine ou l’ibuprofène.

 A l’issue d’une nouvelle évaluation, l’EMEA estime que le risque de surdose mortelle dépasse les bénéfices des médicaments contenant du DXP. L’agence précise qu’il n’est pas prouvé que l’association DXP/paracétamol soit plus efficace que les autres médicaments antidouleur, faute d’études solides. Un argument avancé depuis longtemps par la revue Prescrire qui milite depuis des années pour le retrait des spécialités contenant du DXP.

 Un risque d’accumulation

 Le DXP est un opiacé apparenté à la méthadone qui peut provoquer une dépendance en cas d’usage prolongé. Cependant le risque principal est celui de l’intoxication par surdose, volontaire ou accidentelle. En Suède 200 décès par an étaient dus à ces surdoses dans les années 90, dont la moitié par accident. La Grande-Bretagne en a recensé 300 à 400 par an (dont 80% de suicides).

 Le problème du dextropropoxyphène par rapport aux autres opiacés comme la codéine et le tramadol est sa durée de vie. Il persiste plus longtemps dans l’organisme. La demi-vie du DXP est de 13 heures, celle de son métabolite actif dépasse même les 20 heures. Par comparaison, la demi-vie de la codéine est de 3 heures, celle du tramadol de 5 à 7 heures et celle du paracétamol de 1 à 3 heures.

 C’est pour cette raison que l’association du dextropropoxyphène et du paracétamol peut devenir dangereuse : tandis que le paracétamol est éliminé rapidement de l’organisme, le DXP demeure et s’accumule avec la prise de plusieurs cachets au cours de la journée. Cet effet est amplifié chez les personnes âgées ou qui souffrent d’insuffisance rénale. Or le Di-Antalvic est très prescrit chez les personnes de plus de 65 ans.

 Le risque d’intoxication est par ailleurs renforcé par la prise d’alcool ou d’autres médicaments en même temps que le Di-Antalvic.

 Les effets d’un surdosage de dextropropoxyphène sont comparables à ceux des autres morphiniques : confusion, insuffisance voire détresse respiratoire, troubles cardiaques, etc..

Balance bénéfices/risques

 L’autre argument en défaveur du Di-Antalvic et de ses génériques est le manque d’évaluation de ses bénéfices. Ce produit a été commercialisé par Sanofi à une époque où l’obtention d’une autorisation mise sur le marché ne répondait pas aux mêmes exigences qu’aujourd’hui. La plus grande efficacité de l’association DXP/paracétamol par rapport à d’autres antalgiques ou au paracétamol seul n’a donc pas été clairement établie.

Retrait progressif

 Les cas d’intoxications volontaires ou accidentelles ont amené certains pays à restreindre la prescription de l’association DXP/paracétamol puis à la retirer progressivement du marché : ce fut le cas de la Suisse en 2003, de la Grande-Bretagne en 2004 et de la Suède en 2005. En France, l’Agence de sécurité sanitaire des produits de santé (Afssaps) a continué à considérer que la prescription du Di-Antalvic et son conditionnement limitaient le risque de surdosage volontaire et que le nombre de décès relevé (65 par an) était faible.

 Aujourd’hui encore, l’Afssaps considère que «le profil de sécurité d’emploi de ce médicament est connu et satisfaisant dans des conditions normales d’utilisation». La France est cependant obligée de suivre la décision européenne, destinée à harmoniser les pratiques pharmacologiques dans l’UE.

 L’association DXP/paracétamol va donc être retirée progressivement des pharmacies. Au CHU de Toulouse, où le service de pharmacovigilance du Pr Montastruc a décidé de se passer du Di-Antalvic depuis 2005, on précise que l’on parvient très bien à s’en passer.

Cécile Dumas
Sciences-et-Avenir.com
 26/06/09


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