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Le contrat d’amélioration des pratiques individuelles (CAPI), qui crée pour la première fois en France une rémunération « au mérite » des médecins libéraux, a été publié au Journal Officiel. Dès le mois de mai, les médecins traitants volontaires pourront signer pour trois ans ces contrats avec « bonus » sur des objectifs de prévention, de suivi des pathologies chroniques et d’efficience. Objectif de la CNAM : toucher 4 500 généralistes dès la première année. Les syndicats sont réticents ou hostiles...........
Pour la première fois en France, l’assurance-maladie va encourager des médecins libéraux à s’engager dans un système de rémunération « à la performance », qui se pratique déjà en Angleterre ou aux États-Unis dans le cadre des HMO. Les objectifs fixés par la loi de santé publique, conformément aux avis et référentiels de la Haute Autorité, portent d’une part sur des thèmes de dépistage, de prévention de suivi des pathologies chroniques (grippe, cancer du sein, vasodilatateurs, benzodiazépines à demi-vie longue, diabète, HTA) et d’autre part sur l’optimisation des prescriptions (notamment la proportion de prescription dans le répertoire).
Joint par le « Quotidien », le Pr Hubert Allemand, médecin-conseil national à la CNAM, insiste sur les « enjeux de fond » du CAPI. « On propose au médecin généraliste de s’engager dans une démarche de santé publique sur sa patientèle. C’est une approche globale, collective. Pour la première fois dans notre pays, cette approche de santé publique du généraliste est rémunérée, c’est-à-dire son engagement pour une meilleure couverture vaccinale, un meilleur dépistage et un meilleur suivi des pathologies chroniques. Certains médecins s’investissent beaucoup plus que d’autres… ».
Et d’expliquer qu’un effort « modeste » de chaque médecin, par effet de levier, se traduit par des progrès de santé considérables pour une population. « Si chaque généraliste améliore chez 4 diabétiques par an le suivi de l’hémoglobine glyquée, 625 000 diabétiques seront mieux suivis en France », avance le Pr Allemand. utre argument : le CAPI serait « un outil de diffusion de l’innovation ». Le médecin-conseil national cite le cas des diabétiques à hauts risques cardiovasculaires dont « seuls 45 % bénéficient de statines ».
C’est la réalisation partielle ou totale des objectifs à l’horizon qui permet le calcul des « bonus » annuels au mérite nommés compléments de rémunération. A raison de 7 euros par patient, un médecin traitant de 800 patients atteignant tous ces objectifs percevrait une rémunération supplémentaire de 5 600 euros par an. Mais ce n’est qu’une moyenne. Quant aux modalités complexes de calcul des primes, qui a fait l’objet d’interminables discussions, la caisse estime qu’elle est parvenue à rémunérer à la fois « l’atteinte des objectifs » et la « progression pour les médecins qui partent de très bas ».
Coût neutre.
Si la CNAM insiste sur l’enjeu de santé publique, le pari du gouvernement (Bercy notamment est très favorable aux CAPI) est aussi le suivant : le développement de la maîtrise médicalisée sur des objectifs « collectifs » donnant des signes d’essoufflement, il convient de développer un système d’intéressement des médecins aux résultats. Un des objectifs du CAPI est ainsi de « booster » le taux de prescriptions dans le répertoire. Le Pr Allemand souligne que « l’efficience fait partie de la qualité des soins et l’allocation optimale des ressources fait partie de la santé publique ».
L’équation financière du CAPI est simple. L’amélioration du suivi préventif et des pathologies chroniques sera coûteuse pour la Sécu. S’y ajoute la « prime » versée aux généralistes. L’idée est d’équilibrer cet investissement par des économies. La CNAM voudrait un dispositif à coût neutre. « Tout dépendra du timing de la montée en charge des contrats et des gains d’efficience », nuance le Pr Allemand.
Il n’empêche. Les représentants de la profession sont réservés, voire hostiles. Aucun syndicat médical, à ce jour, n’envisage de faire la publicité des CAPI. Usine à gaz pour les uns, source de conflit d’intérêt médecin/patient, menace pour le paiement à l’acte, occasion manquée… : le CAPI démarre avec des boulets aux pieds. La légitimité de la caisse à proposer ce dispositif est mise en cause. Pour le Syndicat des médecins libéraux (SML), le CAPI est « inapplicable parce que les indicateurs, établis unilatéralement par la CNAM, sont trop élevés et ne correspondent pas à la réalité de la pratique ». Selon la CNAM au contraire, « les indicateurs ne sont pas très difficiles à atteindre » et quelques milliers de médecins seraient déjà dans les clous…
Réversible.
Le contrat, fruit d’une « décision » de l’assurance-maladie, est en tout cas proposé directement aux généralistes alors que l’espoir de la CNAM était initialement d’en négocier les modalités par voie conventionnelle. Ce qui n’a pas été possible. « Ce dispositif est volontaire, réversible du jour au lendemain, et sa gestion administrative est réduite à sa plus simple expression puisqu’il y aura un suivi automatique des indicateurs du médecin sur son compte Ameli » rassure le Pr Allemand.
La CNAM ne lésinera pas sur les moyens pour diffuser le CAPI. Elle va s’appuyer dans un premier temps sur les délégués de l’assurance-maladie (présentation du dispositif) et, si besoin, sur les praticiens conseils (entretien personnel). Selon nos informations, les généralistes recevront dès le mois de mai une enveloppe pré-affranchie permettant de se déclarer candidat au CAPI. S’il veut adhérer, le médecin concerné recevra un exemplaire signé du directeur de sa caisse avec ses objectifs de départ. Une copie du contrat sera adressée au conseil de l’ordre départemental. « Les premiers CAPI pourront être signés dès le mois de mai, confirme le Pr Allemand. Notre objectif est de 4000 à 5000 signés dès la première année pleine [soit 10% des 45 000 à 50 000 omnipraticiens prescripteurs]. Le dispositif semble être assez bien perçu par les jeunes générations ». Les médecins suivront-ils ? La CNAM veut croire au succès des CAPI, sans nier qu’il s’agit d’une « petite révolution ».
› CYRILLE DUPUIS
Le Quotidien du Médecin du : 23/04/2009 autres articles sur le site :