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Les pathologies des vols aériens longs courriers

 Les pathologies des vols aériens longs courriers
 
Résumé : L'explosion du trafic aérien au cours des dernières années a entraîné l'apparition de pathologies fréquentes, liées aux conditions même de ces voyages. Parmi celles-ci, les originalités du milieu atmosphérique et de l'environnement technologique de l'avion sont les plus importantes et sont source de certaines pathologies que le médecin urgentiste se doit de connaître.
 
I - Introduction
Le trafic aérien mondial ne cesse de croître. Les compagnies aériennes transportaient 382 millions de passagers en 1970, 885 millions en 1988, et un milliard en 1996, après une légère diminution due à la guerre du Golfe de 1991. Ce chiffre qui doublera au cours des 20 prochaines années illustre l'importance et la fréquence des pathologies observées à bord des avions et dont certaines sont en rapport direct avec les vols, notamment longs courriers.
En effet, se surajoutent à des pathologiques préexistantes, d'autres pathologies crées de toute pièce et directement liées aux conditions atmosphériques et surtout à l'environnement technologique du vol.

 
II - Le milieu atmosphérique
1) - L'atmosphère : les vols longs courriers sont concernés par 2 couches de l'atmosphère: la troposphère essentiellement et la stratosphère :
- La troposphère est la couche la plus basse et la plus dense et s'étend du niveau de la mer à une altitude de 17000 mètres au dessus de l'Equateur et de 7000 mètres au dessus des pôles, du fait de la différence d'activité thermique entre ces deux régions. Elle se caractérise par des phénomènes météorologiques, la présence de vapeur d'eau et l'abaissement progressif de la température avec l'altitude, selon un gradient de 0,6° C par cent mètres.
- La stratosphère s'étend jusqu'à une altitude moyenne de 50 kilomètres et se caractérise par une raréfaction considérable de l'air, l'absence presque totale de vapeur d'eau ainsi que par un haut degré de rayonnement ultraviolet.
 
La composition chimique de l'air reste constante jusqu'à des altitudes de 100 à 200 kilomètres, en raison du mouvement continuel des masses atmosphériques.
 
L'ozone est formé dans la stratosphère par photodissociation de l'oxygène moléculaire sous l'effet des rayons UV, dans les longueurs d'ondes voisines de 2 400 angströms. La concentration de l'ozone augmente avec l'altitude pour atteindre un maximum vers 30 et 35 kilomètres. L'homme peut tolérer des concentrations d'ozone dans l?air égales à 10-4 mg/litre. L'ozone présente la propriété d'être rapidement dissocié en 02 sous l'effet de la chaleur ; c'est ce qui se passe dans les compresseurs de certains avions où est puisé l'air nécessaire à la pressurisation.
 
La masse principale de la vapeur d'eau. L'atmosphère contient en permanence près de 10 000 milliards de tonnes d'eau en circulation. La vapeur d'eau se concentre dans la troposphère et décroît avec l'altitude. Elle n?est plus que de moitié à 2 000 mètres et de 1/10 à 5 000 mètres. La densité de l'air diminue aussi avec l'altitude mais augmente proportionnellement à l'accroissement de la pression et à l'abaissement de la température. Un modèle d'atmosphère dit atmosphère standard, a été élaboré à l?aide de données statistiques sur les conditions moyennes existant aux latitudes des zones tempérées,
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Les avions longs courriers évoluent dans des tranches d'atmosphère à composition de l'air constante. L?augmentation de l'altitude et la baisse de la pression atmosphérique entraînent  une diminution des pressions partielles des différents gaz constitutifs de l'air dans les mêmes proportions. Il est donc nécessaire d'obtenir à l'altitude de croisières des vols longs courriers, une pressurisation de la cabine et un apport d'oxygène en cas de dépressurisation accidentelle,
 
2) - Les radiations solaires et les radiations cosmiques: L'atmosphère joue un rôle fondamental de filtre des radiations, du fait de sa composition. Une partie du rayonnement visible du spectre solaire est absorbée par la vapeur d'eau des couches basses de l'atmosphère. Plus de 90 % du rayonnement peut traverser le filtre atmosphérique par temps clair, contre 20 % par temps couvert. Les particules solaires d'énergie inférieure à 30 MeV sont arrêtées par les parois de l'avion. Au dessous de 16 000 mètres d'altitude, les doses diminuent au point de devenir insignifiantes. Le rayonnement cosmique galactique dépend fortement de la latitude géomagnétique. Il est plus élevé dans les régions polaires . Les doses mesurées à bord des avions entre 15 000 et 20 000 mètres d'altitude sont de l'ordre de 0,5 mrem à 1 mrem/heure.
 
III - L'environnement technologique
 
1) - La pressurisation : Elle est rendue nécessaire par l(altitude élevée des avions en croisière. L'idéal serait de disposer d'une altitude cabine identique à celle du niveau de la mer, quelle que soit l?altitude de croisière. Or cela n'est pas possible en raison de contraintes technologiques et économiques. La réglementation précise que tout avion de transport public volant à une altitude supérieure à 6 000 mètres (20 000 pieds) doit être pressurisé et qu'il doit rétablir une pression cabine à une valeur maximale de 2 438 mètres en vol normal (8 000 pieds). Lors de la montée de l'avion à son niveau de croisière, s?établit un gradient de pression entre la pression cabine et la pression extérieure, qui impose des contraintes techniques (renforcement des parois de la cabine, contrôle d'étanchéité, supplément de puissance, de poids, de consommation). La pression de la cabine est déterminée par la puissance d?un compresseur définissant le rapport pression de la cabine sur pression atmosphérique à l'altitude de vol, ainsi que par la différence maximale de pression structurellement admissible entre la pression en cabine et la pression atmosphérique réelle au niveau du vol. Cette différence de pression est réalisée grâce à un débit continu d'air prélevé à l'extérieur par le compresseur, ainsi due par une fuite contrôlée en cabine.

Le choix de l'altitude cabine est dicté par différents impératifs, dont la sensibilité à l'hypoxie et les conséquences éventuelles d'une décompression. Les modifications de l'altitude cabine sont régulées par deux types de variations de la vitesse. Les variations lentes correspondent au phénomène de montée et de descente, au cours desquelles une vitesse de variation d'altitude ne doit provoquer aucun inconfort. Les variations rapides et de courtes durées sont basées sur le seuil de perception de la différence de pression entre l'oreille moyenne et l'air ambiant. Le pilote réalise une montée progressive de l'altitude cabine depuis le décollage jusqu'à l?altitude de croisière avec une vitesse de variation la plus faible possible. La consigne est de maintenir la vitesse de montée de l'altitude cabine en dessous de 2,5 m/seconde (500 pieds/minute) et la vitesse de la descente de l'altitude cabine en dessous de 1,5 m/seconde (300 pieds/minute).
 
2) - L'atmosphère cabine: Le système de pressurisation est également conçu pour approvisionner la cabine en air, et évacuer les gaz respiratoires et les fumées (tabac). Les avions subsoniques sont des avions froids dont il faut réchauffer la circulation intérieure. Les températures cabine peuvent varier de 12° C à 32° C, fonction de la sensation de confort désiré, définie en général par un couple de valeurs température ambiante - degré d'hygrométrie.
En général, cette sensation de confort est obtenue pour une atmosphère usuelle à 20° C avec 70 % d'humidité.
 En cabine, la température est le plus souvent aux alentours de 18° C et l'hygrométrie varie entre 10 et 20 %, bien en dessous du seuil de 40 %, en dessous duquel surviennent les premières sensations d'inconfort.
 En ce qui concerne la qualité de l'air, il existe plusieurs normes variables selon les organismes qui les ont élaboré. Si la séparation des fumeurs et des non fumeurs semble réduire significativement l'exposition de ces derniers à la nicotine, elle n'évite pas la pollution des non fumeurs . Certains symptômes oculaires et O.R.L. peuvent être directement liés à l'exposition nicotinique dans les avions . Cette symptomatologie irritative serait également en rapport avec la baisse de l'hygrométrie, l'hypoxie relative, la teneur en ozone et la présence de dioxyde d'azote . Enfin, notons que certains avions actuels tel l'AIRBUS ont un système de recirculation d'air dont l'efficacité est moindre.

 
IV - Pathogénie du transport aérien
L'hypobarie de cabine précédemment décrite engendre essentiellement deux conséquences: le dysbarisme et l'hypoxie.
 
1) - Dysbarisme : d?après la loi de BOYLE-MARIOTTE, le volume d'un gaz varie en proportion inverse de la pression (PV = constante). Un volume gazeux dans un espace clos se dilate donc en montée en altitude et se contracte en descente. L'hypobarie d?altitude expose donc à une expansion des cavités closes de l'organisme, dans une proportion qui va environ de 20 % entre 3 et 5 000 pieds, à 30 % à 8 000 pieds de pression cabine (2 438 mètres). L'expansion de ces cavités closes rend compte de certaines pathologies.
 
2) - L'hypoxie d'altitude. Selon la loi de DALTON et HENRY, lorsque plusieurs gaz sont mêlés, chacun se comporte comme s'il était seul (notion de pression partielle). La pression atmosphérique est donc la somme des pressions partielles de chacun des gaz contenu par l'air. L'oxygène exerce donc à une altitude donnée une pression partielle égale au produit de la pression atmosphérique par la pression partielle d?oxygène. La composition de l'air est fixe et l'oxygène en représente 20,95 % quelle que soit altitude. A 8 000 pieds de pression cabine (2 438 mètres), la Pi02 chute à 118 mmHg, la pa02 à 68 mmHg et la saturation de l'hémoglobine à 93 %. Si cette hypoxie n'a pas de conséquence sur le sujet sain, en revanche, elle peut constituer un élément déclenchant de certaines pathologies, chez certains voyageurs.
 
La courbe de BARCROFT de dissociation de l'oxyhémoglobine, montre que la baisse de la pression partielle de l'oxygène entraîne une chute de la saturation. L'hypoxie entraîne par le biais des chémorécepteurs une hyperventilation avec hypocapnie, elle-même responsable d'alcalose du liquide céphalo-rachidien et de dépression respiratoire. Quand ces deux mécanismes régulateurs opposés s'équilibrent, c'est l'adaptation à l'altitude.
 Ce processus long ne peut se mettre en place au cours des transferts aériens longs courriers. Les risques sont majorés lors des pathologies qui déplacent la courbe de BARCROFT vers la droite : anémie, insuffisante cardiaque, acidose métabolique, hyperthermie...

 
3) - Ambiance thermo-hygrométrique. Les variations thermiques ne sont pas très importantes et restent de l'ordre de 20 à 22 %. Les orifices d'administration de l'air frais dans la cabine sont suffisamment nombreux et petits, pour que la vitesse de déplacement de cet air ne se soit pas perceptible et se situe dans la zone de confort. Par contre les variations hygrométriques sont bien plus importantes. L'hygrométrie cabine initiale de 20 à 30 %, chute au fil du vol, malgré le rejet de vapeur d(eau par les passagers (exception faite du passage de l'avion dans les nuages). Cette sécheresse extrême de l'air prélevé à l'extérieur à pour conséquence une déperdition hydrique et un assèchement rapide des muqueuses.

4) - Accélérations et vibrations. Les accélérations ont la particularité de se situer dans les 3 dimensions de l?espace : accélérations linéaires et rectilignes dans l'axe de l'avion, accélérations linéaires radiales par le changement de direction et accélérations angulaires des trajectoires curvilignes. Ces vecteurs sont à l'origine de forces d'inertie qui s'appliquent sur la masse du corps. Les accélérations sont surtout ressenties aux atterrissages, aux décollages, dans les virages ou lors de zones de turbulence. Elles sont à l'origine de deux phénomènes: la chute d'objets ou de personnes et l'apparition de crises neurovégétatives, responsables du mal de l'air par stimulation des canaux semi-circulaires de l'oreille interne en contradiction avec les sensations somesthésiques et visuelles. Seules les vibrations de basse fréquence (4-12 Hz) provoquent des phénomènes de résonance au niveau des viscères. Les avions à réaction longs courriers émettent des vibrations inoffensives de l'ordre de 60 Hz.
 
5) - Niveau sonore. Bien qu'il reste inférieur à la limite de tolérance habituellement admise pour les risques d'atteinte l''acuité auditive (80 décibels), il est tout de même suffisamment  élevé (50 à 70 décibels) et majore les facteurs de stress.
 
V - Les pathologies rencontrées
  Différentes études ont cherché à recenser le nombre des urgences médicales et chirurgicales à bord des avions commerciaux. CUMMINS et SCHUBACH (13), retrouvent une urgence pour 753 vols. RODEMBERG (14), pense que 8 millions de passagers pour un trafic mondial de 881 millions, encouraient un risque en 1985. Aux USA, les décès sont estimés à 1 pour 7 millions de passagers (15). De 1977 à 1984, l?I.A.T.A estimait 72 décès par an pour les 120 compagnies membres (0,31 décès pour 1 million de passagers) (16). Bien que l?incidence des d'urgences vitales à bord soit faible (17), elle est globalement sous-estimée, du fait de l?absence de recueil systématique. Pour SARVESVARAN (18) et CUMMINS (13) la majorité des urgences seraient d?origine cardio-vasculaire, (pathologies thromboemboliques), suivies par les causes respiratoires,(décompensation d'états antérieurs). Les autres étiologies sont plus diverse et souvent moins graves.
 
A l'aéroport de Roissy, une étude sur 7 ans sur 135 290 000 passagers à l'arrivée a retrouvé 56 embolies sévères à l'arrivée, soit une incidence par million de passagers. Les risques sont proportionnels à la distance parcourue : 0 : < 2500 km, 0,11 : 2500-4999 km, 0,4 : 5000-7499 km, 2,66 : 7500-9999 km, 4,77 : > 10 000 km.
Quatre patients présentaient un risque élevé : chirurgie récente, immobilisation (> 3 jours), antécédents de thromboembolie, cancer, insuffisance cardiaque et 49 patients étaient à risque modéré : varices, traitement hormonal, âge supérieur à 40 ans, obésité, tabagisme

 
1)- Les thromboses veineuses profondes et les embolies pulmonaires: HOMANS décrit en 1954 la relation probable entre la survenue de thrombose veineuse profonde et la position semi-assise sur les vols longs courriers. CRUICKSHANK décrit en 1988 le Syndrome de la classe économique. BENOIT  affirme en 1992 la corrélation entre la pathologie embolique et la thrombophlébite d'immobilisation lors du vol. PAGANIN (22) en 1996, recense 6 cas d'embolies pulmonaires sévères sur les vols Paris-Réunion. Les publications se multiplient . La pathogénie en est maintenant bien connue:
- la déshydratation liée à la faible hygrométrie de la cabine et majorée par les effets diurétiques du café et du thé entraîne une augmentation de la viscosité sanguine;
- la baisse de la PaO2 avec diminution de la saturation de l'hémoglobine a peu de conséquences chez le sujet sain, mais augmente la viscosité sanguine et le taux de fibrinogène circulant chez le fumeur.
- l'immobilité prolongée semble plus néfaste en classe économique où l'espace entre les sièges est plus restreint. Cette immobilité est plus importante pendant les vols de nuit car les passagers consomment des somnifères et s'endorment dans des positions peu confortables («cramped position »). De plus, les passagers assis près des hublots ont un accès moins aisé aux allées.

Le risque de thrombose est accru de 1% lors de vols long courrier.  Selon une étude néo-zélandaise publiée dans The Lancet (décembre 2003), le risque de thrombose pourrait être de 1% parmi les usagers réguliers de vols long courrier. L'étude s'est faite sur 878 personnes habituées de vols long courrier, âgés de 18 à 70 ans ayant effectué en moyenne 39H de vols en six semaines. Neuf d'entre eux ont souffert d'une thrombose veineuse dans les trois mois qui ont suivi leur voyage. Parmi les personnes qui ont participé à l?étude, 17% d'entre eux portaient des bas de contention et 31% avaient pris de l'aspirine. Malgré ces précautions plusieurs ont souffert de thrombose.
Au printemps 2002 une étude conduite sur 899 passagers de plusieurs vols Londres-Johannesburg, a démontré que 1% d'entre eux ont développé une thrombose.
 
L´existence d´une thrombophilie ou l´utilisation de contraceptifs oraux augmentent considérablement le risque de maladie thromboembolique veineuse après voyage en avion. Martinelli et coll. (Arch Intern Med 2003 ; 163 :2771-2774) ont dans une étude cas-contrôle évalué le risque de maladie thromboembolique après voyage en avion chez des porteurs d´une anomalie de la coagulation ou chez les femmes sous contraceptif oral.
Deux cent-dix patients avec un épisode documenté d´embolie pulmonaire et 210 volontaires sains ont été inclus. Dans le mois précédent l´épisode d´EP ou la visite pour les contrôles, 31 patients (15 %) et 16 contrôles (8 %) rapportaient un voyage en avion ce qui représentait un odds ratio de 2,1. Une thrombophilie était retrouvée chez 102 patients (49 %) et 26 contrôles (12 %), des contraceptifs oraux étaient utilisés par 48 patients et 19 contrôles (respectivement 61 % et 27 % des patientes en âge de procréer).

Le risque de survenue d´une EP après voyage en avion chez les patients porteurs d´une thrombophilie était multiplié par 16,1.
Les femmes sous contraceptifs oraux ont un risque multiplié par 13,9 de développer une EP après un voyage en avion.
 L´existence d´une thrombophilie ou les contraceptifs oraux augmentent donc considérablement le risque d´EP après voyage en avion.

 
Des facteurs favorisants connus caractérisent les vols et les populations à risques :
 
- durée du vol supérieure à 3-4 heures
- antécédents d'insuffisance veineuse et de varices
- femmes de plus de 40 ans
- hommes de plus de 50 ans avec des varices des membres inférieurs
- néoplasies évolutives, syndromes néphrotiques
 
A bord des vols longs courriers, il est donc conseillé
 
-  de marcher une fois par heure dans les allées ;
- de s'hydrater abondamment avec des boisons non diurétiques ;
- d'éviter l'usage d'alcool et de tabac ;
- de ne pas prendre des hynoptiques qui favorisent l'assoupissement dans des positions compressives ;
- un siège permettant d'allonger les jambes.
 

CAILLARD préconise chez les personnes à risque élevé, ou aux antécédents de thrombose, d'embolie pulmonaire ou d'affection thrombogène,. le port de bas de contention, associé aux héparines à bas poids moléculaire à dose isocoagulante, de préférence aux anti-agrégants plaquettaires. AUDOUIN recommande la prise d?anticoagulants oraux dans certains cas particuliers (thromboses multiples, coagulapathie), car 8 à 10 % des thromboses veineuses profondes seraient en rapport avec un voyage aérien.
 
2) - Les pathologies cardiaques. L'abaissement de la pression partielle en oxygène peut avoir des conséquences chez les sujets aux capacités d'adaptation limitées. L'angine de poitrine instable est donc une contre-indication au vol en raison de la survenue de la nécrose myocardique. D'une façon générale, toutes les pathologies cardio-vasculaires décompensées contre-indiquent les vols.
 
3) - Les pathologies respiratoires : dans sa thèse, BLAISE recense 4,5 % de son échantillon avec des manifestations respiratoires. DILLARD  montre dans une série de patients âgés de 68 ans en moyenne et porteurs de BPCO, une chute de la Pa02 qui passe de 72 mmHg à 47 mmHg après 45 minutes de vol en croisière (cabine à 8 000 pieds). Selon cet auteur, une Pa02 inférieure à 50 mmHg au sol nécessite une supplémentation en oxygène lors du vol. GONG (32)  propose d?ailleurs deux équations prédictives pour déterminer la Pa02 d?altitude en fonction l?altitude cabine, de la Pa02 au sol et de VEMS :
 
- pa02 = 22,8 - 274 X + 0,68 Y
- pa02 = 0,45 + 0,78 (% VEMS) + 2,44
où X est l'altitude en milliers de pieds, Y est la Pa02 au niveau du sol.
 
Les sujets porteurs de troubles obstructifs sévères sont des sujets à risques, s'ils répondent aux critères suivants :
- capacité vitale inférieure à 50 % ;
- ventilation inférieure à 40 L/mn ;
- hypercapnie supérieure à 50 mmHg au sol ;
- hypoxémie inférieure à 55 mmHg au sol.

D?autres contre-indications formelles existent : pneumothorax non drainé, tuberculose bacillaire contagieuse, poussée d?insuffisance rénale aiguë...
 
4) - Les pathologies O.R.L.
 Elles sont surtout dues aux effets physiques des variations de la pression barométrique sur les gaz contenus dans les cavités du corps (loi de BOYLE- MARIOTTE) :
- les aérodontalgies apparaissent à partir de 1 500 mètres, sur des dents saines ou présumées telles, traitées ou malades . Une douleur de pulpite aiguë peut survenir à la montée, brutalement, mais d'une façon transitoire, avec une notion d'altitude seuil. L'hypothèse d'une hypoxie pulpaire s'ajoute à la notion d'un barotraumatisme exclusif.
- les otites externes barotraumatismes apparaissent essentiellement à la descente, et sont dues à des petites hémorragies sous épithéliales. Les otites moyennes sont dues à une augmentation du volume de l'air contenu dans l'oreille moyenne, et apparaissent en cas de dysfonctionnement de la trompe d'Eustache . La manoeuvre de Vasalva suffit le plus souvent à compenser ce dysfonctionnement.
- les sinusites barotraumatiqures relèvent du même mécanisme, lors d'obstruction des orifices sinusiens.
De simples rhino-pharyngites ou un simple rhume peuvent donc conduire à déconseiller un voyage aérien.
 
5) - Les pathologies digestives
 - L'expansion des gaz intestinaux est cause de flatulence chez le sujet sain et de douleurs plus nettes chez les sujets aux antécédents de chirurgie abdominale majeure. Il est conseillé de limiter féculents et boissons gazeuses avant et pendant le vol.
- Les toxi-infections alimentaires sont entrées dans la légende. TAUXE rapporte 186 cas de gastro-entérites à salmonella enteriditis, au cours d'un vol transatlantique en 1984, à la suite d'une salmonellose). BURSLEM  recense 23 observations de ce type. EFFERSOE décrit une contamination par un staphylocoque aureus chez les 364  passagers et membres d'équipage d'un vol charter en 1975. Bien que rare et peu grave, les toxi-infections alimentaires devraient imposer que les pilotes ne consomment les mets d'une même cuisine ou ne s'alimente qu'en dernier!
 
6) - Les pathologies endocriniennes.
 Les patients diabétiques doivent ajuster leur traitement au travers des fuseaux horaires. De nombreux schémas sont possibles. Alors que l'utilisation  de biguanides est sans conséquence particulière, les sulfamides hypoglycémiants exposent au risque d'hypoglycémie .
Le diabète insulino-dépendant, impose une diminution des doses lors des déplacements vers l'est et une augmentation, lors des déplacements vers l'ouest. SANE  a démontré qu?une variation de 2 à 4 % de la dose quotidienne d'insuline par heure de décalage, était nécessaire.

 
7) - Les pathologies psychiatriques
 - L'aérophobie est retrouvée chez un tiers des passagers . AGRAS la retrouve dans 20 % de la population générale. Elle prend les aspects bien connus, d'une hyperventilation, d'une logorrhée, d'une hyperactivité, voire même d'une perte de connaissance. Certaines compagnies aériennes proposent des stages de thérapie comportementale avec déconditionnement.
- Un syndrome de sevrage est possible chez les tabagiques sur les vols non fumeurs, avec agitation et instabilité, de même que chez l'éthylique. LYMAN a rapporté quelques cas de syndrome de manque à l'héroïne, imposant un détournement des avions.
- Enfin, faire voyager un malade psychiatrique mal équilibré l'expose au risque d?une décompensation aiguë, nocive pour aussi bien pour lui, que l'équipage et les autres passagers!
 
8) - Le mal de l'air  est devenu moins fréquent depuis l'avènement des avions à réaction volant à haute altitude. Il frappe les sujets dont le vestibule est intolérant aux basses oscillations. Il est alors conseillé de prendre place au centre de gravité de l'appareil, près des ailes et d'un hublot, et de fixer un point immobile à l'horizon.

9) - Le décalage horaire  se caractérise par des troubles de sommeil, avec fatigue, trouble de la vigilance et somnolence diurne. Ces troubles sont mineurs lors de la traversé de moins de 4 fuseaux.
Le décalage vers l'ouest est mieux supporté que le décalage vers l'est.
Aux USA, la Mélatonine est utilisée assez largement, mais n'a pas encore fait l'objet d'une évaluation.
En cas de séjour à 3 jours, il est recommandé de vivre au rythme du pays de départ.
 Inversement, en cas de séjour supérieur à 3 jours, il est recommandé d?essayer de se synchroniser avec l'horaire de destination.

 
10) - Les désagréments ophtalmologiques concernent les nombreux passagers porteurs de lentilles ou ceux qui souffrent d'insuffisance lacrymale (sécheresse de l'air).
 Le port des lentilles est déconseillé pour les vols dont la durée dépasse 3 à 4 heures.

 
 
VI - Le médecin à bord
 
La plupart des compagnies internationales disposent d'un personnel de cabine formé au premier secours.
Ce personnel a accès à une trousse qui lui est réservée, contenant, avec un mode d'emploi rédigé par un médecin de la compagnie des médications usuelles réputées pour leur innocuité tels : antalgiques antipyrétiques, collyres, antiémétisants, décongestionnants nasaux, antispasmodiques, pansements gastriques... Certaines de ces trousses contiennent parfois du Temgésic

BLAISE souligne que près de la moitié des passagers interrogés pensent qu'un médecin est toujours présent à bord. Selon BAUDOUIN  , en cas de situation d'urgence, l'équipage trouve un médecin présent dans l'avion dans 85 % des cas.
Il existe une trousse d'urgence destinée exclusivement à un médecin qui permet de faire face aux grandes urgences: drogues à visée cardio-vasculaire (Adrénaline, Trinitrine, Nifédipine, Atropine, Cédilanide, Diurétiques), corticoïdes, anti-inflammatoires, broncho-dilatateurs, psychotropes, anti-paludéens, sérum glucosé hypertonique, stéthoscope, tensiomètre, canules, clamps, garrots, seringues...

Selon le droit français, le passager, docteur en médecine, se doit de répondre à l'appel du personnel de bord (article 63 du code pénal). L'équipage peut également rentrer en contact avec un médecin au sol.
Le champ et l'interprétation des lois applicables en vol, sont perçus différemment selon la nationalité des passagers, des médecins et  de l'équipage.
En matière pénale, la convention de Tokyo du 14 septembre 1963 affirme la compétence de l'état d'immatriculation de l'avion pour connaître des actes et infractions à bord.
En matière civile, il n'existe pas une compétence obligatoire attachée à l'immatriculation. Ainsi le médecin intervenant pourrait être poursuivi pour les fautes commises dans son action, aussi bien que pour les conséquences de son abstention, en toute juridiction compétente. D'après BRAURE, une loi américaine (Good Samaritan Act) tendrait à limiter la responsabilité du médecin appelé en cas d'urgence sur les vols des lignes nord américaines, ceci afin de ne pas le dissuader d(intervenir!

Dans certaines circonstances l'avion peut être dérouté vers un aéroport possédant des moyens médicaux adaptés.
 Il s'agit toujours d'une décision difficile et coûteuse.
Certaines compagnies ont commencé à expérimenter la mise en place des défibrillateurs semi-automatiques et les transmissions d'électrocardiogrammes de l'avion vers le sol.

 

VII- Les Contre-Indications au voyage aérien long courrier
 
 Contre-indications cardio-vasculaires
    Infarctus du myocarde de moins de 3 semaines
     Infarctus du myocarde compliqué de moins de 6 semaines
     Angine de poitrine instable
     Insuffisance cardiaque décompensée < 2 semaines
        Hypertension artérielle compliquée
     Trouble du rythme cardiaque symptomatique
     Hypertension artérielle pulmonaire
     Cardiopathie congénitale cyanosante
     Phlébothrombose évolutive
     Antécédent d?embolie pulmonaire sans anticoagulant

Contre-indications respiratoires   
     Contre-indications déjà spécifiées (insuffisance respiratoire)
     Pneumothorax non drainé
     Emphysème
     Polykystose pulmonaire
     Asthme évolutif
     Chirurgie thoracique de moins de 2 semaines
     Tuberculose évolutive

Contre-indications hématologiques   
     Anémie < à 8,5 g Hb
     Drépanocytose et Thalassémie
       Hémophilie
     Trouble de la coagulation non contrôlée
     Hémopathies terminales

Contre-indications O.R.L.   
     Sinusites et otites aiguës
        Mastoïdites
     Chirurgie otologique récente

Contre-indications digestives   
     Chirurgie abdominale récente
     Diverticulose et colite en phase aiguë
        Ulcère hémorragique de moins de 3 semaines
     C?lioscopie inférieure à 7 jours
     Hypertension portale avec varices

Contre-indications ophtalmologiques
    Chirurgie ophtalmologique de moins de 2 semaines
     Kératite évolutive

Contre-indications neuropsychiatriques
     Troubles phobiques graves
    Psychose grave non stabilisée
     Epilepsie récidivante
     Chirurgie cérébrale de moins de 3 semaines
     AVC de moins de 3 semaines

Contre-indications gynéco-obstétricales
    Grossesse au dessus de 35 semaines
     Menace d?accouchement prématuré

Contre-indications infectieuses   
       Coqueluche
     Dengue, choléra, fièvre de Lassa, etc.

Contre-indications traumatologiques
    Plâtre inférieur à 48 heures

Contre-indications sportives
    Plongée en bouteille < 12-24 heures précédentes

 


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