Pour tenter d’enrayer l’épidémie de Chikungunya, qui a touché 30 000 personnes à La Réunion, le gouvernement a décidé d’accentuer la mobilisation. Le ministre de la Santé s’est rendu sur place.
DEPUIS le mois de février 2005, l’île de La Réunion doit faire face à une épidémie sans précédent de Chikungunya, une arbovirose transmise par un moustique qui circule habituellement en Afrique de l’Est, en Asie du Sud-Est et dans le sous-continent indien. En 2005, la maladie a été détectée aux Comores, à l’île Maurice, puis à Mayotte et à La Réunion, atteignant pour la première fois le territoire français (« le Quotidien » du 6 janvier 2006).
A La Réunion, le moustique suspecté est Aedes albopictus, un vecteur essentiellement diurne avec un pic d’activité en début et en fin de journée. Environ 4 à 7 jours après la piqûre infectante, apparaît brutalement une fièvre élevée accompagnée d’arthralgies qui peuvent être intenses et touchent principalement les extrémités des membres (poignets, chevilles, phalanges), de myalgies, de céphalées et parfois d’une éruption maculopapuleuse. L’attitude particulière du malade a donné son nom à la maladie, Chikungunya, mot qui signifie en swahili « marcher courbé ».
Selon le dernier bilan de l’InVS (l’Institut de veille sanitaire), l’épidémie a connu quatre phases successives : une phase pré-épidémique, du 22 février au 27 mars 2005 (14 cas identifiés) ; une phase épidémique, du 28 mars au 10 juillet 2005, avec un pic dans la semaine du 9 au 15 mai et plus de 3 000 cas recensés ; une phase de recrudescence depuis le mois d’octobre, qui correspond à la fin de l’hiver austral, avec en moyenne 200 cas par semaine ; et enfin, depuis décembre, une augmentation très importante des cas, en raison de conditions climatiques favorables à la prolifération du moustique. Les 31 médecins du réseau Sentinelles de l’île ont notifié 430 cas entre le 28 mars et le 15 janvier 2006.
Une estimation réalisée à partir d’un modèle mathématique a permis aux experts d’évaluer le nombre de «cas présentant des signes compatibles avec une infection à Chikungunya» depuis le début de l’épidémie (qu’ils aient ou non consulté un médecin) à environ 30 000, dont plus de 5 000 lors de la deuxième semaine de janvier. Quelque 2 424 cas ont été confirmés biologiquement. Parmi les personnes touchées, vingt-deux (13 nouveau-nés et 9 adultes) ont souffert de formes graves ayant conduit à une hospitalisation dans un service de réanimation. Chez les nouveau-nés, une transmission materno-foetale est probablement en cause dans dix cas, alors qu’une contamination par piqûre est vraisemblablement à l’origine des trois autres. Neuf d’entre eux ont présenté un tableau de méningo-encéphalite. Dans toutes les formes graves, l’évolution a été favorable et aucun décès directement lié à l’infection n’est à signaler.
Face à l’ampleur du phénomène, le Premier ministre a «décidé d’accentuer la mobilisation des moyens de l’Etat», lors d’une réunion à Matignon avec les ministres de l’Outre-mer et de la Santé. Xavier Bertrand s’est rendu sur place, accompagné de plusieurs dizaines de professionnels de santé et avec du matériel supplémentaire, notamment dans le domaine de la néonatalogie, afin de «renforcer la prise en charge des malades, notamment dans les hôpitaux». La délégation a pour autre mission de faire un point précis de l’épidémie afin d’arrêter «un plan global et interministériel dans les domaines de la prise en charge des malades, de la démoustication et de la recherche dans les îles de La Réunion et de Mayotte».
Désarroi de la population. Sur place, 400 militaires déjà présents sur l’île ont été affectés à la campagne de lutte contre le moustique à laquelle participent déjà 1 500 personnes (militaires et agents communaux). Le président du conseil régional de la Réunion, Paul Vergès, dans une lettre au Premier ministre, fait état du «désarroi de la population» et s’inquiète de
«l’absence de traitement connu pour les personnes atteintes». Le préfet a mis en place une «cellule de crise permanente analogue au plan Orsec» et juge «qu’une maîtrise totale de la situation» est en vue.
En dehors d’une inquiétude et d’une impatience exprimées par beaucoup, certains s’alarment des conséquences socio-économiques de l’épidémie, notamment pour le tourisme. L’Observatoire régional de la santé a mis à la disposition du public deux brochures : l’une concernant les mesures à prendre pour éliminer les lieux de ponte du moustique, l’autre destinée aux habitants de l’île ainsi qu’aux visiteurs extérieurs, sur les mesures à prendre pour se protéger.
> Dr LYDIA ARCHIMÈDE
