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17 Janvier 2008
Les résultats de notre nouvelle étude confirment l'irrationalité des prescriptions de médicaments en ville, déjà constatée dans une étude diffusée au mois de septembre : les médecins ne prescrivent pas toujours les médicaments les moins chers, voire même les plus efficaces.
Au total, sur seulement 5 classes de médicaments (14 % des prescriptions de ville) et à qualité de soins au moins équivalente, 1 milliard d'euros aurait pu être économisé de 2002 à 2006, soit 200 millions par an.
Concernant les antiagrégants plaquettaires, utilisés dans la prévention ou les suites d'un accident cardio-vasculaire, (459 millions d'euros de chiffre d'affaires en 2006), la forte progression des dépenses de cette classe (+ 88 % de 2002 à 2006) est principalement le fait d'un médicament, le Plavix®.
Or, dans un nombre de cas important, l'aspirine à faible dose - 27 fois moins chère - devrait être substituée au Plavix®.
Par exemple, les autorités de santé ont constaté que, pour l'année 2002, la moitié des traitements au Plavix® relevait du mésusage.
A qualité de soin équivalente, c'est une économie de 350 millions d'euros qui aurait pu être réalisée sur la période 2002-2006, soit 70 millions d'euros par an.
Ce surcoût vient s'ajouter aux 660 millions d'euros de gâchis constatés sur les prescriptions de ville de 2002 à 2006 (132 millions par an) dans le traitement de maladies telles que les reflux gastro-oesophagiens, l'arthrose et l'hypertension.
Ces résultats font écho au constat sans appel récemment dressé par la Cour des Comptes puis par l'Inspection Générale des Affaires Sociales (IGAS). Il apparait notamment que la prescription est trop largement influencée par l'industrie pharmaceutique et qu'elle oriente la prescription des médecins.
La pression de la visite médicale des laboratoires sur les médecins est ainsi plus élevée en France que dans les autres pays européens : on compte en France 1 visiteur médical pour 9 médecins libéraux, soit deux fois plus qu'en Angleterre ou en Allemagne et quatre fois plus qu'aux Pays-Bas.
L'UFC-Que Choisir estime inconcevable que le ministère de la Santé ne prenne pas la mesure de ces deux grands rapports publics et n'envisage pas une réforme profonde de la politique du médicament.
Dans cette perspective, l'UFC-Que Choisir propose de rééquilibrer l'information des médecins selon une logique simple : développer l'information objective des praticiens par les pouvoirs publics et contraindre le bombardement promotionnel éminemment subjectif des laboratoires pharmaceutiques.
Le développement de l'information publique passe par la création de visiteurs médicaux sous l'égide de la Haute Autorité de Santé. Nous suggérons la mise en place de 1700 visiteurs médicaux publics dont le coût annuel est estimé à 200 millions d'euros, et qui pourrait être financé par la taxe sur les laboratoires pharmaceutiques. Le « désarmement promotionnel » des laboratoires pharmaceutiques nécessite de renforcer deux outils existants : augmenter la taxe sur la promotion des produits pharmaceutiques et, pour les classes les plus problématiques, imposer des diminutions du volume des visites médicales.
Pour la revue de consommateurs « Que choisir », la prescription des antiagrégants plaquettaires est influencée par les visiteurs médicaux de l'industrie pharmaceutique, qui favorisent le Plavix au détriment d'autres spécialités moins chères. Selon « Que choisir », le surcoût pour l'assurance-maladie se monterait à 350 millions d'euros sur la période 2002-2006.
Les prescriptions des médecins dans le collimateur de « Que Choisir » (S. TOUBON/« LE QUOTIDIEN »)
E N SEPTEMBRE DERNIER, la revue de défense des consommateurs « Que choisir » rendait publique une enquête sur la consommation de médicaments en France, qui tendait à prouver, selon ses auteurs, «l'existence d'un immense gâchis qui résulte de prescriptions médicales manifestement irrationnelles». Selon les résultats de cette enquête menée sur quatre classes thérapeutiques, les médecins libéraux seraient «sous l'emprise quasi exclusive» des visiteurs médicaux des laboratoires pharmaceutiques qui leur feraient «perdre le contrôle de leurs prescriptions». Si bien que ces médecins auraient tendance à prescrire «en masse» des médicaments à l'efficacité jugée inférieure par la HAS (Haute Autorité de santé), plutôt que des médicaments «plus efficaces et moins coûteux pour la collectivité». Le refrain n'est pas nouveau.
La revue délivre aujourd'hui la suite de son message, avec un nouveau chapitre consacré aux antiagrégants plaquettaires, utilisés dans la prévention ou le traitement des accidents cardio-vasculaires. Selon « Que choisir », les dépenses de remboursement de cette classe thérapeutique auraient augmenté de 88 % entre 2002 et 2006, une augmentation qui serait presque exclusivement à mettre sur le compte de la progression des ventes du Plavix, dont les ventes seraient passées de 199 millions d'euros en 2002 à 433 millions en 2006, alors que, dans le même temps, les ventes des autres antiagrégants, dont l'aspirine administrée à faible dose, seraient passées de 60 à 54 millions d'euros. «A qualité de soins égale, note “Que choisir”, c'est une économie de 350millions d'euros qui aurait pu être réalisée par l'assurance-maladie sur la période 2002-2006.» Pour la revue, ces chiffres sont la conséquence de «prescriptions trop largement influencées par l'industrie pharmaceutique», à travers son réseau de visiteurs médicaux, une industrie accusée, une nouvelle fois, d'«orienter» ainsi la prescription des médecins.
Les objectifs de maîtrise de l'assurance-maladie. En conséquence, « Que choisir » appelle de ses voeux une «information objective» des médecins par le biais de visiteurs médicaux dépendant de la HAS, «pour contraindre le bombardement promotionnel éminemment subjectif des laboratoires pharmaceutiques». La revue ajoute à ce sujet que «le désarmement promotionnel» des laboratoires pharmaceutiques nécessite de renforcer «deux outils existants: augmenter la taxe sur la promotion des produits pharmaceutiques et, pour les classes les plus problématiques, imposer des diminutions du volume des visites médicales».
Pour mémoire, les objectifs de maîtrise médicalisée de l'assurance-maladie pour 2007 en matière d'antiagrégants plaquettaires étaient de 34 millions, mais seulement 24 millions ont réellement été économisés. Pour Frédéric Van Roekeghem, directeur de l'assurance-maladie, «sur les antiagrégants plaquettaires, le ralentissement de la consommation a été notable en 2007, mais nous ne sommes pas encore complètement dans les clous».
Enfin, Christian Lajoux, président du Leem (Les Entreprises du médicament), interrogé par notre confrère « le Quotidien du Pharmacien », estime que l'attitude de « Que choisir » constitue «un rejet de l'innovation thérapeutique qui revient à considérer qu'il faut traiter les patients avec des médicaments d'occasion».
> HENRI DE SAINT ROMAN