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5 Juin 2007
La Sécu soigne les statistiques et matraque les généralistes", estime le syndicat Espace généraliste, qui est monté au créneau, le 25 mai, pour dénoncer la vague de contrôles et le "harcèlement" dont les médecins généralistes feraient, selon lui, de plus en plus l’objet.
La récente condamnation d’une femme généraliste par le directeur de la Caisse primaire d’assurance maladie (CPAM) du Morbihan, du simple fait que 18% de ses patients ont été mis en arrêt maladie sur une période donnée, contre seulement 11% en moyenne régionale chez ses confrères et consœurs, serait la goutte d’eau qui a fait déborder le vase.
"Peu importe si les arrêts de travail étaient justifiés ou non – les clientèles peuvent être très différentes d'une ville à l'autre, d'un médecin à l'autre –, la question n'a même pas été examinée.
La Sécu vient d'inaugurer, en droit français, un nouveau délit : le délit de statistique, par application de la loi du 13-08-2004 et de la réglementation connexe.
À noter qu'elle est seule détentrice des statistiques incriminées, par ailleurs invérifiables", s’insurge le président d’Espace généraliste, le Dr Claude Bronner.
Et de poursuivre : "Le délit statistique n'est pas la seule particularité de la procédure. La Sécu y est, contrairement aux principes du droit français et du droit européen, juge et partie.
En effet, la décision est prise par le directeur de la CPAM (…), la commission qui l'entoure, la bien-nommée "Commission des pénalités", n'ayant qu'une voix consultative.
C'est donc un seul individu, non magistrat et partie au litige, qui prend la décision pouvant comporter des sanctions financières." Le président de ce syndicat, qui dénonce "cette justice d'exception" à laquelle serait aujourd’hui soumis les généralistes français, interpelle le gouvernement, le ministre de la Santé, le ministre de la Justice, l'Ordre des médecins, les syndicats de salariés – en particulier leurs représentants, qui siègent dans les caisses – et les autres syndicats médicaux, "pour que soit mis fin, au plus vite, à ce scandale juridique et médical".
Espace généraliste, qui s’est doté d’une cellule juridique pour venir en aide aux médecins, notamment ceux qui s’estiment abusivement contrôlés par les caisses, dit effectivement observer une véritable dérive des contrôles et pointe de graves dysfonctionnements.
Le Dr Marcel Garrigou-Grandchamp, généraliste à Lyon, qui est à l’initiative de cette "cellule", évoque 18 dossiers litigieux concernant des généralistes installés en Seine-Saint-Denis. "Dans ce département, où les critères de prescription de certains médicaments ont explosé par rapport aux moyennes nationales, la caisse a engagé une véritable opération de nettoyage, conduisant certains de nos confrères au bord du suicide, affirme-t-il à l'agence Focus.
Pour arriver à coincer un médecin, la caisse convoque les patients, sous des prétextes fallacieux, pour les interroger, et comme dans ce département seulement 15% à 20% d’entre eux se rendent aux convocations, la caisse leur envoie à domicile des agents sapiteurs, qui ne dépendent pas du contrôle médical, mais du service administratif, et procèdent à des interrogatoires médicaux en règle.
" Or, théoriquement, le service administratif est séparé du contrôle médical, seul habilité à disposer du listing des malades. Il y aurait donc ici un vice de procédure.
Les généralistes passeraient ensuite, à leur tour, "sur le gril". "Certains ont subi huit heures d’entretien, sans boire ni manger", indique le Dr Garrigou-Grandchamp, qui affirme disposer de nombreux témoignages plaidant pour l’existence d’un véritable "acharnement" de la part de l'assurance maladie durant ces entretiens.
"Personnellement, je ne suis pas opposé aux contrôles, précise toutefois ce généraliste, en revanche, je souhaite que ces derniers respectent la procédure qui les encadre. C’est pourquoi, nous nous bagarrons aussi pour que les confrères se fassent assister durant l’entretien et disposent des pièces du dossier, en amont, afin de pouvoir se défendre."
En dehors de la Seine-Saint-Denis, la cellule juridique d’Espace généraliste gère une dizaine de dossiers très conflictuels par département. "Les médecins escrocs ne se tournent pas vers nous, observe le Dr Garrigou-Grandchamp, ceux qui viennent ont le sentiment d’avoir fait leur travail convenablement et se sentent pris au piège." À l’issue de ces contrôles, certains se disent "broyés". Pour ce motif, un généraliste exerçant en banlieue lyonnaise, à Vaulx-en-Velin, va dévisser sa plaque dès la fin du mois de mai. En Seine-Saint-Denis, une association des médecins contrôlés a vu le jour pour apporter un soutien moral et juridique aux généralistes concernés.
Tout ceci survient dans un contexte tendu, notamment par la récente découverte d’un nouveau trafic de Subutex, traitement de substitution de l’héroïne, impliquant a priori une demi-douzaine de médecins parisiens. L’enquête est en cours. La Caisse nationale d’assurance maladie (Cnam) a toutefois relativisé l'importance du phénomène. "Sur 90.000 bénéficiaires de Subutex entre septembre 2004 et décembre 2006, nous n’avons relevé des anomalies que pour 12.000 d’entre eux et n'avons déposé qu'une centaine de plaintes", a expliqué le directeur de la répression des fraudes de l'assurance maladie, Pierre Fender, ajoutant toutefois que "le montant des escroqueries est de plus en plus colossal". Le Subutex est, en effet, le produit qui alimenterait le plus le marché noir.