6 Novembre 2016
L'obligation vaccinale des professionnels de santé
revisitée par le Haut Conseil de la santé publique
Le Haut Conseil de la santé publique (HCSP) vient de publier sur son site internet un nouvel avis relatif aux obligations vaccinales des professionnels de santé, daté du 27 septembre et du 7 octobre 2016.
Cet avis fait suite à une saisine de la Direction générale de la santé, qui souhaitait préciser les conditions d'immunisation des professionnels de santé ou étudiants en santé. Cette saisine s'inscrit elle-même dans le cadre de la Loi n° 2016-41 du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé. Le passage suivant en gras a été ajouté à l'article L3111-4 du Code la santé publique : "Une personne qui, dans un établissement ou organisme public ou privé de prévention de soins ou hébergeant des personnes âgées, exerce une activité professionnelle l'exposant ou ex posant les personnes dont elle est chargée à des risques de contamination doit être immunisée contre l'hépatite B, la diphtérie, le tétanos, la poliomyélite et la grippe". Cette modification est moins anodine qu'il n'y paraît au premier abord : la prise en compte du caractère altruiste de la vaccination (se protéger pour protéger les autres) introduisant un véritable changement de paradigme en santé au travail.
C'est dans ce contexte que les conditions justifiant une obligation vaccinale pour les professionnels de santé et les modalités de sa mise en oeuvre ont été revues de manière globale et de manière spécifique, pour chaque maladie à prévention vaccinale.
1. Quels sont les critères qui devraient déterminer l'obligation vaccinale des professionnels de santé ?
L'obligation vaccinale des professionnels de santé a désormais deux objectifs indissociables : protéger les soignants et protéger les patients d'une contamination par le soignant.
S'il a été montré que l'obligation vaccinale des soignants permet d'augmenter la couverture vaccinale (c'est notamment le cas pour l'hépatite B), elle peut aussi avoir des inconvénients : elle peut discréditer les vaccins "seulement recommandés", conduire à des différences d'indemnisation des effets indésirables post-vaccinaux ou encore avoir des conséquences sur l'emploi (refus d'embauche ou licenciement pour inaptitude).
C'est pourquoi le HCSP considère que l'obligation vaccinale des professionnels de santé doit être justifiée par les quatre conditions suivantes :
Il estime également que toute recommandation ou obligation vaccinale devrait concerner de la même manière les professionnels de santé libéraux et les professionnels du secteur médico-social.
Si une vaccination contre une maladie est obligatoire, le vaccin correspondant devrait être disponible sous une forme non combinée, évitant le recours à des vaccins combinés mélangeant valences obligatoires et non obligatoires. C'est déjà le cas pour l'hépatite B, mais ce n'est pas le cas aujourd'hui pour la coqueluche : la protection contre cette maladie nécessite en effet l'emploi d'un vaccin quadrivalent, conférant également une protection contre la diphtérie, le tétanos et la poliomyélite.
Enfin, le HCSP estime que les modalités d'indemnisation des effets indésirables des vaccins recommandés en milieu professionnel devraient être alignées sur celles des vaccins obligatoires.
2. Obligations vaccinales des professionnels de santé : les propositions du Haut Conseil de la santé publique pour chaque maladie concernée
2.1. Hépatite B
L'hépatite B est une maladie grave, l'infection chronique par le virus de l'hépatite B pouvant conduire à une cirrhose ou à un cancer du foie. Le risque de transmission lors d'un accident d'exposition au sang est élevé pour les professionnels de santé mais aussi pour les personnels de secours ou de sécurité (pompiers, policiers ou gendarmes). Il existe une possibilité de transmission soignant-soigné. De plus, les vaccins anti-hépatite B actuellement disponibles sont très efficaces et bien tolérés.
Le maintien de l'obligation vaccinale contre l'hépatite B des professionnels de santé exposés et des étudiants ou élèves des filières correspondantes (en vigueur depuis la loi n° 91-73 du 18 janvier 1991) est donc recommandé, dans les mêmes conditions que celles qui sont détaillées dans l'instruction du 21 janvier 2014 relative aux modalités d'application de l'arrêté du 2 août 2013 fixant les conditions d'immunisation des personnes mentionnées à l'article L.3111-4 du code de la santé publique (notamment les modalités du contrôle de l'immunisation contre l'hépatite B).
Deux points méritent toutefois d'être signalés :
2.2. Diphtérie et poliomyélite
Ces maladies sont graves, potentiellement mortelles. La poliomyélite a été éliminée des pays industrialisés et les cas de diphtérie sont très rares. De ce fait, le risque d'exposition des soignants est nul pour la polio, très faible pour la diphtérie et ne risque de transmission soignant soigné de ces deux maladies inexistant. Les vaccins contre la diphtérie et la poliomyélite sont très efficaces et bien tolérés.
Le HCSP propose de remplacer l'obligation vaccinale des professionnels de santé contre la diphtérie et la poliomyélite par une recommandation forte. Une obligation de rappel devrait toutefois pouvoir être prise en cas de modification inattendue de l'épidémiologie de ces infections. Ce pourrait être le cas dans des territoires ayant une épidémiologie particulière (Mayotte).
2.3. Tétanos
Le tétanos est une maladie grave, souvent mortelle. En raison du mode de transmission du bacille tétanique, le risque de transmission soignant-soigné du tétanos est nul. Par ailleurs, les vaccins anti-tétaniques sont efficaces et bien tolérés.
Le HCSP recommande la suppression de l'obligation vaccinale contre le tétanos.
2.4. Grippe
Les éléments pris en compte par le HCSP pour asseoir ses recommandations sont les suivants :
S'appuyant sur ces données, le HCSP estime que :
2.5. Typhoïde
La vaccination contre la typhoïde est actuellement obligatoire pour le personnel de laboratoire exposé à ce risque. Toutefois, les cas de typhoïde professionnelle sont désormais exceptionnels et le risque de transmission d'un professionnel exerçant dans un laboratoire à un patient est nul. De plus, la transmission de la typhoïde au laboratoire peut être prévenue par le respect des bonnes pratiques de laboratoire. Il existe un vaccin bien toléré, dont l'efficacité est comprise entre 67 % et 80 %, mais qui nécessite des revaccinations régulières.
En conséquence, la levée de l'obligation vaccinale contre la typhoïde est recommandée.
2.6. Tuberculose
La levée de l'obligation vaccinale par le BCG des professionnels de santé a déjà été recommandée en 2010 (avis du HCSP du 5 mars 2010).
2.7. Coqueluche, rougeole et varicelle
Le champ de la saisine de la Direction générale de la santé s'étendait aux vaccinations actuellement obligatoires pour les professionnels de santé.
Le HCSP précise toutefois que les critères qui pourraient justifier une obligation vaccinale des professionnels de santé non immunisés sont remplis pour la coqueluche, la rougeole et la varicelle.
Cet avis a été adopté à l'unanimité des membres présents par deux commissions : la Commission spécialisée "Sécurité des patients : Infections nosocomiales et autres événements indésirables liés aux soins et aux pratiques" (CSSP) et la Commission spécialisée "Maladies transmissibles" (CSMT).
Les membres votants n'ont pas déclaré de conflit d'intérêt. Les recommandations contenues dans l'avis étant élaborées sur la base des connaissances disponibles à sa date de publication, elles sont susceptibles d'évoluer en fonction de nouvelles données. Les conclusions de la concertation citoyenne en cours sur l'obligation vaccinale sont par ailleurs susceptibles d'avoir un impact sur les suites qui seront données à cet avis.
Références