29 Septembre 2011
LA FORMATION CONTINUE DES MEDECINS GENERALISTES,
A L'AUBE DU DEVELOPPEMENT PROFESSIONNEL CONTINU
Réflexions à partir d'une enquête informatique auprès de 2407 médecins
Présentée et soutenue le 27 septembre 2011
par Pauline CORDONNIER
- 82% des utilisateurs de logiciels médicaux les considèrent comme un moyen de formation
- 87% des maîtres de stage considèrent la maîtrise de stage comme un moyen de formation.
résumé
La loi du 21 juillet 2009, dite "Hôpital, Patients, Santé, Territoire" propose une réforme de la formation médicale continue, en créant le Développement Professionnel Continu, qui rassemble formation médicale continu et évaluation des pratiques professionnelles.
Par une enquête informatique auprès de 2407 médecins, nous nous sommes intéressés à leur formation au quotidien.
Les résultats montrent une fidélité aux formations présentielles et à la presse que respectivement 63% et 95% utilisent pour leur formation.
Mais l'enquête révèle aussi la place qu'ont pris des moyens de formation quasi-inexistants il y a une quinzaine d'années : 82 % des utilisateurs d'un logiciel médical lui attribuent un rôle dans leur formation, et 87% des maîtres de stage voient dans cette fonction un moyen de se former. Internet intervient dans la formation de 92 % des médecins interrogés.
Les évaluations des pratiques professionnelles font partie de la formation de 60% des médecins interrogés, avec cependant des réactions mitigées quant à leur organisation.
Ces résultats confirme la nécessité d'une évolution législative, et dévoilent des moyens formatifs possédant une large marge de progression.
Conclusion
La médecine moderne, dont les prémices sont déjà visibles à la fin du XIXème siècle, a progressivement remplacé les potions personnelles et les préparations magistrales propres à chaque médecin par la recherche d'une attitude consensuelle face à un cas donné.
Cette évolution de la pratique a rendu nécessaire une formation tout au long de la carrière des médecins, pour mettre à jour leurs connaissances, mais aussi et surtout pour affiner les processus à l'origine de la décision médicale, personnalisée pour chaque patient.
Les cinquante dernières années ont été marquées par la naissance progressive d'une formation continue des médecins généralistes, assurée par des associations implantées au niveau local. Le législateur a, quant à lui, tenté à plusieurs reprises d'offrir un cadre à cette formation, y voyant un élément majeur de la qualité des soins, tandis que les syndicats, reconnaissant peu à peu le rôle de la formation dans la promotion de la profession, s'y sont de plus en plus impliqués.
Si la lecture de la presse médicale et les séminaires de formation proposés par les associations, faisant appel à la pédagogie d'adultes, ont su s'implanter solidement dans le paysage de la formation continue, d'autres moyens de formation se sont progressivement insinués dans le quotidien des médecins généralistes. L'outil informatique, avec en tête de file Internet, a ainsi bouleversé, les quinze dernières années l'accès aux données. Les méthodes d'évaluation des pratiques professionnelles, dans lesquelles domine l'analyse de sa pratique à l'aide des pairs, ou par relevé d'indicateurs de pratique, ont, quant à elle, trouvé petit à petit leur place.
Il est tentant de souhaiter dégager, parmi ces nombreuses méthodes, celles qui sont le plus à même d'améliorer les compétences médicales, et par ce biais, la qualité du soins et le niveau de santé des patients. De nombreux auteurs se sont attaqués à cette tâche ; les résultats, assez décevants, ne doivent pas masquer l'extrême hétérogénéité des méthodes utilisées, des compétences étudiées et des praticiens ayant eu recours aux méthodes analysées.
Si l'évaluation de la formation continue semble nécessaire, à l'heure où obligation et financement font l'objet d'un débat passionné, les travaux déjà réalisés évoquent plus un préambule à cette évaluation qu'un socle solide sur lequel s'appuyer.
La dernière loi en date, dite "Hôpital, Patients, Santé, Territoire" et adoptée par l'Assemblée Nationale le 23 juin 2009, a tenté de moderniser le système en place, en créant le Développement Professionnel Continu. Toutefois, les modalités précises d'application de cette loi ne sont pas encore connues, dans l'attente des décrets d'application. Les associations de formation ont déjà relevé le défi, en proposant des projets de formation innovants, qui mêlent habilement formations présentielles et évaluation des pratiques, mais aussi en faisant appel aux nouvelles technologies : Internet, logiciel d'aide à la prescription...
Peu de travaux se sont intéressés à la façon dont les médecins généralistes perçoivent, au quotidien, leur formation continue, et ont intégré à leur pratique les nouvelles méthodes.
Par une enquête informatique auprès de 20 655 médecins généralistes libéraux, nous avons cherché à préciser cet aspect. Les 2407 réponses (soit un taux de participation de 11,7%) montrent une fidélité aux séminaires proposés par les associations et à la lecture de la presse, puisque respectivement 63% et 95% des médecins interrogés les utilisent pour leur formation.
La Revue Prescrire, avec 64% de répondants qui la sélectionnent, confirme sa place de référence au sein de la presse médicale.
Mais ils attestent aussi de la place prépondérante qu'a pris l'outil informatique : Internet, et ce, non pas par le recours à des méthodes de formation à distance, mais bien dans la recherche personnelle d'information, par l'intermédiaire du célèbre moteur de recherche Google, que 72% des répondants déclarent utiliser, et les logiciels médicaux, considérés comme un moyen de formation par une forte majorité de médecins (77%).
Par ailleurs, les pairs apparaissent comme formatifs à eux-seuls, par l'intermédiaire des groupes d'analyse de pratique entre pairs mais aussi de manière informelle, avec des collègues, rendant caduque l'image du médecin de famille isolé face à ses patients dès lors qu'il a quitté le milieu hospitalo-universitaire.
L'évaluation des pratiques professionnelles, projetée sur le devant de la scène par la dernière loi en vigueur, se montre bien implantée dans le paysage de la formation continue, puisque 60% des médecins interrogés la considère comme partie prenante de leur formation. Cependant, des réactions mitigées quant à leur organisation ou leur efficacité révèlent les progrès à réaliser dans ce domaine, vraisemblablement en les intégrant à la pratique dès les premiers stades de la formation initiale.
Les activités de maîtres de stage sont largement plébiscitées comme moyen de formation par ceux qui les pratiquent, appuyant le débat sur la revalorisation de leur statut ; c'est en effet pour 87% des maîtres de stage que l'accueil des étudiants fait partie de la formation.
Ce panorama de la formation continue des médecins généralistes confirme la nécessité d'une modification des dispositions en vigueur, et renforce le projet de réunir au sein du même dispositif formation et évaluation des pratiques. Il implique que soit reconnue, d'une façon qui reste à déterminer, l'auto-formation que pratiquent les médecins au quotidien, en recherchant eux-mêmes les informations nécessaires, ou en se tournant vers leurs pairs.
Cependant, il met aussi en exergue la probable méconnaissance, par les praticiens, de leur besoin en formation d'une part, et des nombreux types de formation d'autre part.
Ce constat, couplé à l'exigence croissante de qualité, implique, pour que la formation continue tienne ses promesses en terme d'efficacité, de lui attribuer une place majeure, dans le système de santé, mais aussi dès la formation initiale, en gardant toujours en vue l'objectif : l'amélioration de la qualité des soins.
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