4 Avril 2012
"Au terme de 20h de négociations et une nuit courte, les principaux syndicats des pharmaciens et l’assurance maladie sont parvenus à un accord qui bouleverse considérablement le mode de rémunération des officines et la reconnaissance du métier de pharmacien en tant que professionnel de santé.
Les discussions ont été rudes, mais finalement les trois principaux syndicats de pharmaciens sont sortis satisfaits jeudi matin de leurs 20 heures de négociation avec l’Assurance maladie. Leur accord révolutionne tout simplement le mode de rémunération actuelle des officines et introduit des revenus liés aux nouvelles missions de conseil et de suivi de certains traitements, déjà inscrites dans le budget de la Sécurité sociale 2012.
Un paiement au conseil
Ainsi, les pharmacies ne seront plus rémunérées sur les seuls critères de volume de médicaments vendus et du prix pratiqué. Aujourd’hui, elles perçoivent de façon forfaitaire 0,53 centimes par boite de médicament vendu auquel s’ajoute une marge sur le prix de vente. Rapporté aux 22 000 officines françaises, cela représente 5,5 milliards de marge.
La convention signée jeudi prévoit qu’un quart de cette somme serait converti en « honoraires de dispensation », c’est-à-dire en fonction des conseils donnés lors de la délivrance d’un médicament, que ce soit conseil sur le mode de conservation du médicament ou sur la posologie. Une rémunération plus importante serait accordée pour certains types de conseils tels que ceux liés à la pilule du lendemain ou aux traitements de substitution à l’héroïne.
Mais si le principe de ces nouveaux honoraires a été posé, le mode d’application reste encore à discuter et la rédaction précise d’un texte encadrant ce point ne devrait pas voir le jour avant l’automne.
3000 euros par an de primes sur objectifs
Comme c’est déjà le cas depuis le début de l’année pour les généralistes, les pharmacies pourraient percevoir une prime annuelle si elles remplissent correctement des objectifs de santé publique ou d’efficacité économique liée directement au budget de la sécurité sociale. Le principal critère d’évaluation de cette prime, dont le plafond est de 3000 euros annuels, concerne la bonne délivrance de génériques. La prime pourra même être réduite de 20 % si l’officine ne délivre pas toujours le même générique à une patiente de plus de 75 ans atteinte d’une maladie chronique, ce point rejoignant le nouvel impératif de justesse de conseils et de suivis imposés aux pharmaciens, notamment vis-à-vis d’un public dont le changement de médicaments pourrait entrainer une grande confusion entre les traitements.
Des forfaits pour le suivi de certains traitements
Des tickets de 40 euros pour deux entretiens avec des patients suivant certains traitements, notamment les anti-coagulants et bientôt les traitements pour les asthmatiques, seront aussi accordés. Il faut savoir qu’on estime à 25 % par an le nombre d’hospitalisations liées à certains anticoagulants mal pris. L’enjeu est donc de taille et vise à prévenir les risques de mauvais dosages ou de mauvaises associations de médicaments. Dans cette optique, le pharmacien devra aussi surveiller que les analyses biologiques demandées par le médecin ont bien été faites par le patient. Mais ceci ne pourra réellement se faire qu’avec la mise en place d’un protocole entre le généraliste, le patient et le pharmacien qui assure que chacun des deux professionnels de santé reste dans son domaine.
Enfin, les pharmaciens ont obtenu que la perte de marge sur les médicaments au conditionnement important (entendez les boites de qui comprennent d’office un traitement de trois mois) soit minimisée de 35 % à 10 %. Certaines officines accepteront peut-être désormais plus facilement de délivrer d’office la dose de médicaments adaptée à la prescription d’un traitement, là où aujourd’hui elles ont pris le pli de faire revenir chaque mois les patients.
A l’heure où des voix s’élèvent pour « casser le monopole » des pharmaciens sur la vente de médicaments et militent pour leur apparition dans les rayons des supermarchés, cette convention signée entre les syndicats des pharmaciens et l’Assurance Maladie rappelle que le médicament n’est justement pas un bien de consommation comme un autre, et qu’il mérite un accompagnement averti dans son utilisation.
Il est en tout cas certains qu’au regard des marges très confortables de l’industrie pharmaceutique d’une part et du gouffre abyssale de la Sécurité Sociale avec l’augmentation croissante de la consommation de médicaments de l’autre, le secteur attise les gourmandises tout autant qu’il devient urgent de mieux l’encadrer. Et on ne peut que se réjouir que la rémunération des officines se détourne de la vente simple d’un nombre de boite de remèdes au profit d’un meilleur usage du médicament."
Par Eléonore Verdy
REPONSE A TOUT
Le 30/03/2012
http://www.reponseatout.com/pratique/sante-bien-etre/les-pharmaciens-seront-aussi-remuneres-pour-leurs-conseils-a106636