13 Avril 2010
« Qui s’occupe du mal-être des généralistes ? »
Qu’ils soient de ville, de campagne ou de famille, ils s’inquiètent pour l’avenir de leur profession et veulent être reconnus comme des spécialistes. Un médecin normand témoigne.
« Aujourd’hui, un jeune médecin généraliste qui s’installe en libéral doit vraiment avoir le feu sacré. C’est devenu la spécialité de dernier choix en fac de médecine, sans perspective d’évolution de carrière, avec des rémunérations au plus bas. À 5 000 € par mois pour un bac+10, alors que d’autres spécialités gagnent trois fois plus. Quant au prestige, il n’y en a plus : on est régulièrement insulté par les patients.
D’ailleurs, la Cour de cassation nous a traités de sous-spécialistes en refusant, la semaine dernière, de reconnaître notre spécialité enmédecine générale, et donc la consultation à 23 €.
Pas étonnant que, désormais, 90 % des jeunes médecins diplômés choisissent un emploi salarié.
J’ai 51 ans, et avec la plupart de mes collègues, nous n’avons plus qu’une envie : vivement la retraite qu’on se casse !
Nous sommes devenus le déversoir de tout le mal-être humain, mais qui s’occupe du mal-être des médecins ? Pour ma part, mon pouvoir d’achat n’a pas évolué depuis trois ans, alors que mes charges pour payer ma secrétaire, mes cotisations Urssaf, le matériel informatique, etc, ont augmenté l’année dernière de 10 000 €. Avec 1 € de plus par consultation, sur la base de 5 000 actes par an, ça ne couvre que la moitié de mes charges supplémentaires.
Je n’appliquerai pas de force la consultation à 23 €, comme l’y appelle la Confédération des syndicats médicaux de France. Ce n’est pas la position de mon syndicat, la Fédération des médecins de France (FMF). Mais cela fait cinq ans qu’on alerte sur le tsunami qui menace la médecine libérale. Elle est vouée à disparaître d’ici dix ans, à moins que l’État n’investisse massivement. Sur la base de 10 milliards d’euros par an, pour revaloriser notre rémunération, mais aussi favoriser la création de pôles de santé libéraux. Cette somme inciterait les jeunes médecins à s’installer dans des zones actuellement en voie de désertification médicale. 10 milliards d’euros, ce n’est pas impossible : actuellement, les honoraires des généralistes constituent moins de 3 % des dépenses totales de la Sécu. »
Recueilli par Nathalie LECORNU-BAERT.
Ouest France du mardi 13 avril 2010