22 Juillet 2013
Faut-il modifier la liste des effets indésirables ......
Effets secondaires des bêtabloquants chez l'IC : plus de peur que de mal ?
Londres, Grande-Bretagne - A trop mettre en garde les insuffisants cardiaques sur les effets indésirables des bêtabloquants, certains d'entre eux pourraient décéder prématurément, considérant à tort, que ce traitement altérait leur qualité de vie. Cette conclusion ressort d'une méta-analyse britannique, publiée dans l'International Journal of Cardiology [1].
Le travail porte sur 13 études menées en double aveugle, et un total de 7836 patients sous bêtabloquants (carvedilol, bucindolol, métoprolol, bisoprolol et nébivolol) et 7547 témoins.
Interrogé par heartwire, le Dr Prakash Deedwania (Université de Californie, Etats-Unis), spécialiste des bêtabloquants qui ne figure pas parmi les auteurs de l'étude, précise que « l'abandon du traitement par bêtabloquant en raison d'effets indésirable est une vraie question ». Ces médicaments sont en effet les seuls à abaisser la mortalité des insuffisants cardiaques (35 % environ) mais seul un patient éligible sur deux les utilise. « L'une des raison de cette sous-utilisation reste la peur des effets indésirables ».
Un lien avéré pour 2 symptômes sur 33 effets indésirables potentiels
L'étude britannique montre que sur les 33 effets indésirables rapportés aux bêtabloquants dans les études analysées, seuls deux - la bradycardie et la claudication intermittente - pouvaient effectivement être liés au traitement.
Pour trois autres signes cliniques - hyperglycémies, diarrhées et vertiges - le traitement est en cause pour 25 % des patients. Mais dans les ¾ des cas, ces manifestations peuvent être imputées à l'évolution naturelle de la maladie ou à l'état des patients.
Enfin, pour les 28 autres effets signalés « il n'y a aucune preuve que les bêtabloquants puissent être en cause », selon le Dr Anthony Barron (Londres, Grande-Bretagne), premier auteur de la méta-analyse.
« Le traitement bêtabloquant pourrait même réduire l'incidence » de six de ces effets (tachycardie, palpitations, dépression, insomnie, insuffisance cardiaque et douleurs thoracique), remarque-t-il.
La tachycardie comme effet indésirable des bêtabloquants ?
L'équipe britannique propose donc de relativiser les nombreux effets indésirables des médicaments établis à l'occasion d'étude cliniques dont les listes sont disponibles sur Internet [2] et sur la notice d'utilisation. Ces listes sont constituées de l'ensemble des manifestations présentées par les patients inclus, qu'elles aient été rapportées par les médecins ou les utilisateurs.
Dans les études analysées, les bêtabloquants sont incriminés dans la survenue d'effets cardiaques (bradycardie, palpitations, douleurs thoraciques, hypotension, arythmie..), respiratoires (bronchite, pneumonie, dyspnée…), gastro-intestinaux (douleurs abdominales, diarrhées, nausées, constipation…) ou généraux (fatigue, vertiges, dépression, insomnie, céphalées, syncopes, prise de poids…). Or, il est impossible dans cette liste de préciser si les symptômes cliniques sont une vraie conséquence du traitement, un phénomène spontané lié à l'état du patient (en rapport avec son insuffisance cardiaque ou non) ou s'ils sont en rapport avec l'effet nocebo (inverse de l'effet placebo).
Sur quelle preuve se fonder pour déterminer lequel de ces trois phénomènes est en cause ? Quel patient sera plus sensible à l'un d'entre eux ?
Encore impossible à prévoir.
« Le seul fait que la tachycardie soit décrite comme un effet secondaire des bêtabloquants me fait douter sur la validité et l'intérêt de ce type de liste », précise le Dr Darrel Francis (St Mary's Hospital, Londres), l'un des auteurs de la méta-analyse, à heartwire.
Ne pas perdre une opportunité de prévention
« Le principe du double aveugle ne permet pas au médecin d'expliquer que l'effet clinique est lié à la maladie et non au traitement. C'est ainsi que dans certaines études telles que COPERNICUS, une baisse des doses de médicaments a été nécessaire au cours de la phase de titration pour 38 % des patients sous bêtabloquants et de 33 % de ceux sous placebo », souligne le Dr Barron.
« Et globalement, dans ces 13 études, les suspensions de traitements pour effets indésirables ont été plus fréquentes sous placebo que sous traitement actif », précise le Dr Francis.
« Il serait plus éthique, pour ne pas perdre une opportunité de prévention, de dire que pour 100 patients qui souffrent de vertiges sous bêtabloquants, 81 auraient développé les mêmes symptômes sous placebo. Pour la diarrhée, le chiffre de référence serait de 81 et pour les hyperglycémies de 83 ».
Le Dr Barron va encore plus loin en comparant l'incidence des effets indésirables dans les deux groupes, et il propose d'indiquer aux patients que les bêtabloquants permettent de réduire l'incidence des dépressions et de l'insomnie puisque dans le groupe placebo, deux tiers des patients en souffraient contre 30 % des personnes sous bêtabloquants.
Médecine paternaliste ou liste exhaustive
Le Dr Barron souligne enfin que « la mise à disposition des patients de l'ensemble des effets indésirables médicamenteux répond à une obligation éthique et légale d'information des patients sur les conséquences possibles du choix thérapeutique. Mais certaines personnes pourraient préférer une approche plus paternaliste de la médecine avec des informations limitées et adaptées à leur cas personnel ».
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