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"Erreurs médicales" ; Une check-list pour sécuriser votre pratique

Une check-list pour sécuriser votre pratique

     L’un est médecin généraliste en exercice, Professeur associé à l’université Paris-Descartes et chef de projet à la Haute Autorité de santé. L’autre, ancien professeur de physiologie au Val-de-Grâce est conseiller à la sécurité des soins à la HAS et expert pour le Sou médical- Groupe MACSF. Les Drs Jean Brami et René Amalberti se sont rencontrés à la HAS lors d’une formation sur l’accréditation des médecins et se sont découvert un intérêt commun pour un sujet encore peu exploré en France et quasiment en friche en ce qui concerne la médecine générale : la sécurité du patient.


     Jean Brami, qui est aussi rédacteur en chef de la lettre mensuelle électronique de la HAS « EPP info », a été l’un des premier à introduire un module complet d’enseignement sur la sécurité des patients dans le DES de médecine générale. « Le problème essentiel en matière de sécurité en médecine générale reste paradoxalement de définir ce qu’est une erreur et c’est bien plus difficile et ambigu qu’à l’hôpital où ce n’est déjà pas simple, » reconnaissent sans détours les auteurs.

        Au départ, René Amalberti s’était penché dans le fichier des plaintes du « Sou médical-groupe MACSF » concernant la médecine générale. Une discipline où la sinistralité reste faible par rapport à d’autres spécialités, mais en constante augmentation.

         Selon les données du Sou, le risque de sinistralité du généraliste est de 1,2%. Autrement dit un généraliste sur deux risque d’être mis en cause au cours de sa carrière contre 1 sur 10 en 1997.

        Mais la sinistralité demeure évidemment la partie émergée de l’iceberg puisqu’elle ne met en évidence que les événements qui ont donné lieu à une réclamation. D’ailleurs, l’approche de deux auteurs de la « sécurité du patient » ne se résume pas à son versant judiciaire et va beaucoup plus loin. Au point qu’ils ont même hésité avant de consacrer un chapitre aux questions de droit en fin d’ouvrage. « C’est à la HAS, lors de l’élaboration des recommandations sur l’information du patient, il y a quelques années, que j’ai réalisé que l’information donnée aux patients était destinée avant tout... aux patients et ne devait pas être seulement un moyen d’éviter les plaintes, » rappelle Jean Brami. « Pour la sécurité, c’est la même chose. C’est la sécurité du patient qui doit être privilégiée, pas celle du médecin.»

L’EIG, un phénomène difficile à mesurer

        Son approche est parfaitement complémentaire avec celle de son co-auteur. René Amalberti est un véritable pionnier. Il a débuté sa carrière au service de santé des armées. « En 1982, en entrant chez les militaires, j’ai voulu m’intéresser au risque en médecine, alors que cette problématique n’existait pas encore. Détaché auprès des autorités européennes de l’aviation civile, je suis donc allé voir du côté de l’aéronautique. » Dans les années 90, la sécurité du patient devient un sujet majeur aux Etats-Unis sous l’impulsion de l’administration Clinton. Menée par l’Institute for Healthcare Improvement, la « campagne des 100 000 vies » s’engage à sauver autant de patients d’erreurs médicales fatales dans un délai de 18 mois, en persuadant les hôpitaux d’adopter quelques mesures simples. En France, au début des années 2000, le prédécesseur de la HAS, l’ANAES publie un premier guide sur la gestion du risque, mais la problématique est alors exclusivement hospitalière.

         La transposition en médecine générale est donc délicate, même si dans tous les cas « les grandes tendances se retrouvent dans la médecine, comme dans l’industrie : les défauts de compétences n’expliquant qu’un tiers des problèmes », insistent les deux auteurs.
        Dans l’ouvrage qu’ils présentent cette semaine à Toulouse, au congrès du CNGE, Jean Brami et René Amalberti montrent d’abord que la question l’événement indésirable grave (EIG) en médecine générale est un terrain difficile à défricher : pas de registres ad hoc, ni de processus de déclaration, peu ou pas d’études sur la question. Pour appréhender le phénomène, il faudra donc souvent se contenter de mesures indirectes, via les causes d’admissions hospitalières, la pharmacovigilance, ou les données assurantielles. Il faut dire que la prise en compte de l’erreur en médecine générale est tout sauf évidente.

       Ainsi, en matière de diagnostic de cancer, une étude britannique montre qu’il est bien difficile, pour se faire une idée, de se baser sur les dires des patients : seuls 16% se souviennent de la date du premier symptôme et à peine un tiers de la date de la première consultation ciblée…

80% sont des erreurs de routine

        L’erreur en médecine générale est pourtant la plupart du temps à relier à la gestion du temps. « Les erreurs et retards de diagnostic sont la première cause des EIG en médecine générale », expliquent les auteurs, qui citent à ce propos deux catégories de pathologies : « les cancers dont le retard est compté en mois et les menaces d’infarctus et d’AVC dont le retard est compté en heures. »
       L’ouvrage souligne aussi l’importance des erreurs liées à la prescription, en insistant sur le fait que beaucoup d’évènements indésirables sont liés à la non observance des ordonnances par les patients.
        Enfin, d’une manière générale, on sera surpris par la fréquence des erreurs, commises presque par négligence : informations données trop rapidement ou imprudemment au téléphone, faute d’attention, coquilles sur une ordonnance, compte-rendu d’examens trop rapidement lus et classés, absence de notes prises lors des visites à domicile, notes trop laconiques prises au cabinet, etc.
   Il y a six ans, une étude américaine menée auprès de 253 généralistes relevait ainsi l’existence d’une ou plusieurs informations manquantes dans 14% des 1614 dossiers médicaux étudiés.

De ce point de vue, le « Brami-Amalberti » ne se contente pas de focaliser sur les erreurs en médecine générale, il les dédramatise : 70 à 80% sont liés à la routine et seuls 10% sont liés à un vrai manque de connaissance, selon les auteurs. L’un des mérites du livre est d’abord de faire comprendre, qu’aucun praticien n’est à l’abri : « les erreurs des juniors sont différentes de celles des médecins séniors, mais chacun en fait. »
     Ensuite, qu’il est possible d’éviter les erreurs en anticipant les causes et en révisant ses modes d’organisation. L’intérêt de l’entreprise des deux co-auteurs est de combiner apports théoriques et démarche empirique : le livre propose une quinzaine de cas pratiques réels, avec une grille et des méthodes pour se tester.

    Enfin, les deux médecins délivre des conseils pour sécuriser sa pratique (voir ci-contre). Le plaidoyer pour un exercice plus collectif ne sera pas forcément recevable par celui qui exerce depuis toujours en solo. En revanche, le livre fourmille de conseils de bon sens, qui expliquent par exemple comment donner plus de place à l’écoute des patients ou au retour de ses correspondants.

     Au total, la démarche de sécurité des patients n’impose pas de se remettre en cause personnellement. Mais invite chacun à repenser certaines de ses habitudes et à passer au crible ses procédures. Après avoir lu ce livre, on se demande si finalement cette discipline n’est pas le meilleur remède contre le burn out.
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