14 Avril 2012
"Dans son ouvrage, le Dr Paul Le Meut explique pourquoi la profession de médecin généraliste est actuellement en pénurie et propose des pistes pour attirer à nouveau les jeunes médecins à exercer « le plus beau des métiers ».
Quatre questions à...Paul Le Meut, médecin généraliste et auteur de Médecine générale - Courage, fuyons !
Vous avez commencé la médecine généraliste en 1987. Racontez-nous...
À ce moment-là, on pouvait réserver son caveau dans la commune en même temps qu'on y ouvrait son cabinet ! J'ai travaillé à la Chapelle-Chaussée, à Gévezé et à Rennes. Je maintiens que c'est vraiment le plus beau des métiers. Il touche à tous les aspects de la médecine : au somatique, au psychologique mais aussi au social. Le généraliste est en contact avec l'ensemble de la société : les vieux et les jeunes, les riches et les moins riches...
Entre mes activités au cabinet, en tant que maître de conférences à la faculté de médecine et au centre d'IVG du CHR, je faisais environ 55 heures par semaine. Dans ce métier, on doit aussi sacrifier une partie de sa vie de famille. Dès la cinquantaine, beaucoup de mes collègues sont usés et désabusés. Et la situation va continuer à s'aggraver. À 54 ans, j'ai préféré tirer ma révérence, comme beaucoup de généralistes. Je travaille maintenant comme coordonnateur en Ehpad.
On estime la baisse du nombre de médecins de 15 à 25 % d'ici environ quinze ans. Que se passe-t-il ?
Le numerus clausus, qui limite le nombre de médecins admis chaque année, a sa part de responsabilité dans cette baisse. Mais la crise démographique n'a pas encore débuté. Ce qui est amorcé, c'est une crise sociologique, un changement de la vision du travail. On entre dans une société de plaisir, où les gens sont habitués à travailler 35 ou 45 heures. La situation a changé et on voudrait que les médecins généralistes restent les mêmes. Alors chaque année, environ 1 % des généralistes installés dévissent leur plaque.
Peu de jeunes s'installent comme médecins généralistes. Quel regard portez-vous sur eux ?
La médecine générale souffre d'un problème de désaffection de la part des jeunes. Sur 100 internes formés à la médecine générale, 40 seulement entreront en cabinet. À mon époque, à la sortie des études, il n'y avait pas d'alternative à l'installation en cabinet. Aujourd'hui, on peut par exemple être médecin en Ehpad, travailler moins d'heures pour une meilleure rémunération. Plutôt que d'aller travailler 50 heures, dans des communes isolées, où même une boulangerie ne s'installe pas. Le choix est vite fait. Les médecins de campagne peinent à trouver des successeurs. Dans le département, la situation est tendue, on craint le désert médical, comme à Fougères ou à Plélan-le-Grand.
Que préconisez-vous comme traitement ?
Il faut mettre en place les conditions pour que les jeunes médecins aient envie de s'installer loin de chez eux. La première piste est de réduire le temps de travail hebdomadaire à 40 heures. Leur travail est aujourd'hui composé de temps non-médical : suivi des dossiers, gestion du cabinet, etc. Des assistantes médicales pourraient se charger de cet aspect, comme le font les assistantes dentaires.
Il faut aussi revaloriser l'image du métier, arrêter de dire que les médecins généralistes coûtent trop cher et travaillent mal. On a tendance à penser que la bonne médecine, c'est les machines, la technique, la grande chirurgie... La santé repose avant tout sur les soins primaires, la prévention, le conseil. Concrètement, une des solutions serait de prendre en compte cette future baisse démographique de 20 %, et réinvestir l'argent économisé dans le secteur. On pourrait alors mettre en place de meilleures conditions de travail."
Des médecins généralistes « usés et désabusés »
samedi 14 avril 2012 Ouest France
"La pénurie de médecins est une réalité en route mais avec des impacts contrastés suivant les secteurs.
La Médecine Générale est la principale concernée parce qu’elle rencontre l’ensemble de la population française au quotidien. Il est question dans ce livre de médecins qui effectuent quotidiennement un million de consultations.
Cette spécialité reste pour beaucoup de français un lieu de relation confiante, humaine et compréhensive dans un monde médical où la technicité est trop souvent considérée comme un gage de qualité.
Mais les héros sont fatigués. La pénurie de généralistes n’est pas seulement, pas essentiellement, due à un numérus clausus resté trop longtemps trop bas. Elle est la conséquence d’une désaffection, d’une perte d’affection, peut-on dire, de la part des jeunes générations mais aussi de praticiens chevronnés et engagés.
Ayant connu presque tous les aspects de ce métier, jusqu’à devenir le directeur du département de Médecine Générale de la Faculté de Médecine de Rennes, l’auteur nous dresse un portrait de la crise sociale de la médecine générale.
S’appuyant sur de nombreux travaux et sur sa connaissance intime du métier, il propose des pistes pour amortir cette crise démographique maintenant inéluctable.
Il nous explique en quoi, au-delà d’une profession, c’est l’avenir d’un système de santé basé sur la solidarité qui est en jeu."