3 Avril 2012
"Chères Consoeurs, Chers Confrères,
Devant l’augmentation du nombre d’interventions de médecins dans les médias (articles de journaux, reportages télévisés… ), le Conseil Départemental de l’Ordre des Médecins tient à vous mettre en garde.
Les articles 19 et 20 du Code de Déontologie Médicale sont ainsi régulièrement bafoués et ceci peut se traduire par une plainte au Conseil Régional.
A titre préventif, nous vous rappelons que vous n’avez aucune obligation de répondre aux sollicitations des médias et que si vous le faites, vos coordonnées et photographies, etc…. ne doivent pas apparaître.
Si nous restons favorables à l’information du public, nous sommes opposés à toute forme d’auto-promotion et de dérives, qui à terme, seraient préjudiciables à tous.
Veuillez croire, Chères Consoeurs, Chers Confrères, en nos sentiments confraternels.
Docteur Gérard BARREAU
Président du Conseil de l’Ordre des Médecins des Côtes d’Armor"
Publié aprés accord du Conseil de l’Ordre des Médecins des Côtes d’Armor
Article 19 - Interdiction de la publicité
14/08/2009
Article 19 (article R.4127-19 du code de la santé publique)
La médecine ne doit pas être pratiquée comme un commerce.
Sont interdits tous procédés directs ou indirects de publicité et notamment tout aménagement ou signalisation donnant aux locaux une apparence commerciale.
Publicité et commerce sont indissociables et nécessitent une analyse pratique.
1. Exercice non commercial
La santé n'est pas un bien marchand. L'acte médical ne peut pas être considéré comme une denrée, une marchandise échangée pour une contrepartie financière. Le médecin ne "vend" pas des ordonnances ou des soins, ou des certificats. La médecine est un service.
Le "contrat de soins" qui est à la base de la responsabilité médicale ( art. 69 ) n'est pas une convention commerciale, ni un marché. C'est un contrat tacite, où ce qu'apporte l'un n'est pas l'équivalent de ce qu'apporte l'autre. Le médecin s'engage à donner les soins adéquats ( art. 32 ) qui ne sont pas définis par avance et qui diffèrent selon les circonstances.
Cette notion- que l'exercice de la médecine ne peut être assimilé à une activité commerciale- a une grande importance et de nombreuses conséquences réglementaires. Elle ne renferme aucun jugement péjoratif vis-à-vis des professions commerciales qui ont leurs propres règles. Mais les missions du médecin sont d'une autre nature. S'il n'est pas immoral que le gain soit le moteur d'une entreprise commerciale, la rentabilité ne peut être l'objectif principal du médecin.
Il n'en reste pas moins que le médecin doit trouver une juste rentabilité de son cabinet médical, nécessitant une rigueur qui évite deux écueils : la rentabilité à tout prix par un fonctionnement abusif, le déficit compromettant à terme l'ensemble de la structure de soins. S'il s'agit de gérer raisonnablement la structure de l'ensemble des moyens matériels de son cabinet (au besoin dans le cadre d'une SCM), il ne peut en aucun cas s'agir d'exploiter un appareillage- dont parfois l'originalité ou l'usage se révèle discutable- afin d'en dégager des revenus non justifiés médicalement (mais que ne manquent pas de souligner les publicités de certains journaux médicaux). Une attention analogue doit être portée par le médecin à l'utilisation de certains équipements dont l'établissement hospitalier cherche la rentabilité, voire le rendement.
La cession d'un cabinet médical à un successeur par un médecin qui cesse d'exercer ou qui change de résidence professionnelle doit s'effectuer selon des règles strictes. Elle n'est pas comparable à la cession d'un fonds de commerce.
La clientèle du médecin n'est pas en effet un "objet de commerce". Le médecin ne peut en disposer, on ne "vend" pas une clientèle médicale. La jurisprudence reconnaît une valeur patrimoniale au cabinet médical mais seuls peuvent être cédés les droits corporels (local, meubles, instruments...) et les droits incorporels (présentation à la clientèle, droit au bail, engagement de ne pas se réinstaller...).
2. Dérives commerciales de l'exercice
a ) L'application des lois médico-sociales a apporté des habitudes et des dispositions incitant à des comportements de nature mercantile :
- le paiement comptant de chaque acte médical, conséquence de l'emploi des feuilles de maladie ;
- la tarification des actes médicaux, chaque acte étant doté d'une "valeur marchande" ;
- la nomenclature des actes médicaux elle-même, qui fait la part belle aux actes techniques et au maniement d'instruments ou des appareils.
L'influence des médias, principalement de la télévision, a affecté la relation médecin-malade en privilégiant le spectaculaire (la technique, l'appareillage, l'image) par rapport à la relation, la réflexion, le conseil. Le patient réclame l'examen paraclinique, aggravant les dépenses d'assurance maladie et le médecin est tenté de limiter son activité intellectuelle. Apparaissent ainsi des pratiques médicales de plus en plus limitées et de ce fait spécialisées (endoscopie, cathétérisme, enregistrement de données). Certaines sont plus rémunératrices et font de ce fait apparaître des "créneaux" de rentabilité qui ouvrent la voie à des excès. Dans les situations de concurrence d'origine diverse, la déontologie du médecin doit se résumer, non sans difficultés, à privilégier l'intérêt du malade.
b ) Le code de déontologie a multiplié les mesures réglementaires contre une pratique commerciale de la médecine qui font l'objet d'autres articles :
22 , 94 : interdiction du partage clandestin d'honoraires ;
23 : interdiction de tout compérage ;
24 : interdiction de ristournes, commissions, avantages ;
25 : interdiction de consulter dans des locaux commerciaux ;
57 : interdiction de détournement de clientèle ;
67 , 53 , 54 , 55 : relatifs aux honoraires ;
87 , 88 , 89 : interdisant l'assistanat et la gestion de cabinet ;
92 , 97 : concernant la rentabilité.
c ) La loi elle-même est venue confirmer l'interdiction pour les médecins de recevoir des avantages en nature ou en espèces, directement ou non, procurés par des entreprises assurant des prestations, produisant ou commercialisant des produits remboursés par les régimes obligatoires de sécurité sociale ( art. L.4113-6 du code de la santé publique).
Cette interdiction ne s'applique pas aux activités de recherche, aux manifestations scientifiques, voire promotionnelles, à la condition qu'elles fassent l'objet d'une convention soumise avant son application au conseil de l'Ordre, que les avantages ou l'hospitalité soient raisonnables, accessoires et ne concernent que le médecin lui-même.
Les infractions à l'article L.4113-6 du code de la santé publique sont passibles d'une amende de 75 000 € et d'un emprisonnement de deux ans.
Ces dispositions ont eu le mérite de faire prendre conscience aux médecins du risque insidieux de perte de leur indépendance du fait de pratiques coutumières devenues au fil du temps plus conséquentes et davantage répréhensibles.
3. Procédés directs et indirects de publicité
Ainsi qu'il est précisé dans les articles 13,19,20, toute "réclame" est interdite, qu'elle émane du médecin lui-même ou des organismes auxquels il est lié directement ou indirectement, ou pour lesquels il travaille (établissements hospitaliers, "centres", "instituts", etc.). Sa participation à l'information du public doit être mesurée ( art. 13 ), et la personnalité du médecin, qui peut valoriser le message éducatif, doit s'effacer au profit de ce message sans s'accompagner de précisions sur son exercice (type, lieu, conditions).
Sont par ailleurs interdits la distribution de tracts publicitaires, les annonces non motivées dans les journaux, les encarts publicitaires, là ou dans les annuaires, et le médecin "doit veiller à l'usage qui est fait de son nom, sa qualité ou ses déclarations" et "se garder de toute attitude publicitaire" ( art. 13 et 20 ).
Le deuxième alinéa de cet article fait référence à l'aménagement (voir note 1) et à la signalisation des locaux. Normalement le médecin peut avoir deux plaques professionnelles, l'une sur l'immeuble et l'autre à la porte du cabinet ; leur libellé doit respecter les obligations de l' article 81 .
Il arrive que le cabinet médical (dans une résidence, dans une cour intérieure) soit difficilement accessible sans complément d'information. Une signalisation complémentaire est autorisée sous forme de pancarte ou panonceau indiquant la direction du cabinet à la porte duquel figure la plaque proprement dite. L'appréciation des dispositions locales peut être difficile et l'avis du conseil départemental pourra être utilement sollicité.
Dans les lieux de vacances où une population migratrice séjourne temporairement (stations balnéaires ou de ski), ces indications se révéleront utiles mais doivent faire l'objet d'une concertation avec le conseil départemental (qu'il y ait un ou plusieurs cabinets médicaux, surtout s'il existe un groupe médical et des médecins autonomes).
C'est dans ces mêmes contextes que pourrait être autorisée une signalisation incluse dans un panneau général d'informations aux résidents.
Seul l'intérêt de la population doit être pris en compte.
notes
(1 ) Informations dans la salle d’attente du médecin – Conseil national de l’Ordre des médecins, octobre 2000.
Article 20 - Usage du nom et de la qualité de médecin
14/08/2009
Article 20 (article R.4127-20 du code de la santé publique)
Le médecin doit veiller à l'usage qui est fait de son nom, de sa qualité ou de ses déclarations.
Il ne doit pas tolérer que les organismes, publics ou privés, où il exerce ou auxquels il prête son concours utilisent à des fins publicitaires son nom ou son activité professionnelle.
Cet article souligne le caractère personnel de la responsabilité du médecin, déjà évoqué dans les domaines différents mais voisins de la communication ( art. 13 ) et de la dérive publicitaire ( art. 19 ) et repris plus loin, à propos de l' article 69 .
1. Information individuelle publicitaire ou mensongère
Elle apparaît dans de multiples circonstances, volontiers sous des formes apparemment anodines.
L'information peut être exacte (cartons informant individuellement des généralistes de l'installation d'un spécialiste) mais être étendue (au public, à des associations) sans justification. Il en est de même lorsque les vacances, les absences font l'objet d'insertions dans les journaux et constituent en réalité des prétextes à faire parler de soi. Ces informations doivent être au préalable communiquées au conseil départemental de l'Ordre ( art. 82 ).
L'information peut être exacte mais excessive en prenant une connotation publicitaire dans la forme : c'est le cas des plaques professionnelles dont les dimensions dépassent celles, traditionnelles, de 25 x 30 cm ( art. 81 ), se transforment en véritables panneaux, se multiplient sous divers prétextes ou s'accompagnent d'une signalisation abusive du cabinet médical.
Il en est de même du libellé de la plaque comme de celui des ordonnances ( art. 79 ) et de l'utilisation fréquente des titres non autorisés, car favorisant la confusion entre des diplômes faciles à acquérir et des qualifications réelles, ou se rapportant à des aspects parcellaires de l'activité. On retrouve les mêmes intentions publicitaires dans les annuaires ( art. 80 ), qu'il s'agisse de celui de France Télécom ou de tous autres destinés au public, et même de certains annuaires professionnels diffusés- quel qu'en soit le support (INTERNET, par exemple)- par des organismes intermédiaires (laboratoires pharmaceutiques, industriels de matériel professionnel, associations, syndicats). L'équité veut que chaque praticien soit traité de la même façon ; la publicité pour les uns a pour conséquence la discrimination des autres.
Le nom, la qualité (qualifications, caractéristiques d'exercice, attributions, responsabilités, fonctions) ne peuvent être mentionnés sans l'accord de l'intéressé. Toute information inexacte est donc de sa responsabilité et, suivant sa nature ou son mode d'expression, devient fautive.
L'information peut être mensongère, soit en elle-même (qualitativement ou quantitativement), soit parce qu'elle pérennise une situation ou des données qui se sont modifiées et n'ont pas été corrigées. Elle peut l'être également- le plus souvent de façon indirecte- par la présentation (document destiné à la clientèle, journal local, brochure municipale), par la globalisation à un groupe (associations professionnelles ou non, sociétés d'exercice) d'une donnée normalement limitée à un ou quelques membres. Elle peut l'être aussi par l'ambiguïté entrevue dans la rédaction des plaques ou ordonnances, ou l'usage abusif de certains termes ("centre" de ..., "collège" de..., "institut" de...).
Il est donc indispensable que le médecin "veille à l'usage qui est fait de son nom, de sa qualité". Ce même souci doit le guider à propos de "ses déclarations" : les erreurs fautives se situent dans un contexte où le médecin, jusqu'ici, ne disposait pas suffisamment de moyens pour faire respecter par des tiers, l'obligation qui lui est ainsi faite par l' article 20 . Celui-ci doit donc être principalement considéré vis-à-vis de ces tiers auxquels il peut être lié du fait des modalités de son exercice.
2. Organismes, établissements de soins et publicité
a) Publicité de l'organisme commercial
Si des informations médicales de caractère général peuvent se révéler justifiées de la part d'établissements commerciaux, la publicité doit se limiter aux prestations commerciales (hôtelières, de confort).
Dès que la publicité concerne les soins, elle interfère avec l'activité des médecins ou des auxiliaires médicaux astreints à des règles déontologiques.
Dans les litiges, le médecin faisant l'objet d'une plainte ne manquait pas de faire remarquer que la publicité émanait de l'organisme (cliniques, dispensaires mais surtout "centres" ou "instituts" de remise en forme ou de chirurgie esthétique) et non de lui. Dorénavant, il ne doit pas tolérer que les organismes publics ou privés où il exerce ou auxquels il prête son concours utilisent à des fins publicitaires son nom ou son activité.
Cette obligation a donc intérêt à figurer dans les contrats d'exercice- dont les conseils départementaux ont la charge de surveiller le caractère déontologique- et ne pourra que recueillir l'avis favorable des membres des nouvelles commissions médicales d'établissements.
b) Prétexte commercial à la publicité plus ou moins personnalisée
Les circonstances dans lesquelles le médecin bénéficie plus ou moins consciemment de la publicité de l'établissement ne sont pas rares :
- Inauguration de services ou de plateaux techniques (scanner, lithotripteur, angiographie numérisée...).
- Journées "portes ouvertes".
- Brochures ou tracts sur les établissements. Ces publicités se font en général par l'intermédiaire de la presse locale qui cite le nom des médecins (information), mais fait volontiers état de techniques dites personnelles, avec photographies à l'appui, commentaires laudatifs dont le rédacteur n'aurait pu faire état sans le concours du médecin (publicité). Une publicité involontaire du médecin devra entraîner de sa part une protestation, éventuellement par lettre recommandée avec avis de réception, dont il pourra toujours faire état pour se justifier en cas de plainte.
- Revues éditées par les établissements. Dans celles-ci sont habilement mélangées des informations de caractère hôtelier, des réclames de caractère évidemment commercial (prothèses auditives, matériel pour handicapés physiques, lunettes et orthèses diverses, établissements bancaires, installations hospitalières, matériel industriel sanitaire). Sont intercalés des articles médicaux concernant souvent des techniques modernes et intéressant malades et médecins, présentés comme éléments de formation médicale continue, articles impliquant plus ou moins l'activité des praticiens de l'établissement.
L'appréciation du caractère publicitaire prend en compte deux données :
- la volonté publicitaire utilisant l'information comme prétexte ;
- la notion de proportionnalité, lorsque dans le message transmis l'impact publicitaire submerge manifestement l'information elle-même.