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Chers confrères... Conversation avec un non médecin

INCOMPREHENSION

 

 

"images-copie-15.jpegCeci est la retranscription d’une conversation, partie du constat du décalage entre la réalité des sujets des négociations entre les médecins et le gouvernement et la perception des gens.
Je trouvais dommage que toute une profession soit montrée du doigt et ait une telle mauvaise image à cause d’une minorité de ses membres ne parlant que d’un aspect des choses. "


  Olivia SON (médecin hospitalier - Médecine Générale / Maladies Infectieuses et Tropicales) :


Chers confrères médecins, oui il faut une revalorisation des actes, mais en ne parlant QUE de ça, vous faites le jeu de la communication du gouvernement qui cherche à nous faire passer pour ce que nous ne sommes pas. Arrêtez de relayer ce "message" et cet argument pour justifier votre mécontentement, ça ne nous sert pas, ça nous désavantage franchement aux yeux de la population : personne n'a envie d'entendre quelqu'un qui gagne confortablement sa vie se plaindre !! Vous n'avez pas le bon public et personne ne vous soutiendra sur ce discours, même en vous justifiant (années d'études, responsabilités, nombre d'heures par semaine...) ; curieusement, les gens pensent toujours qu'il s'agit d'un sacerdoce et qu'on devrait peut-être même "travailler gratuitement, tiens, et la vocation alors ?" Vous ne pourrez pas changer ça (pas maintenant en tous cas).
Misez plutôt sur les AUTRES POINTS du mécontentement (liberté d'installation, création des déserts médicaux par le gouvernement et dépassement d'honoraires ABUSIFS de CERTAINS médecins, exploitations des internes entre autres).

 

Lionel R. : Je ne suis pas médecin, je ne vis pas ces problématiques, mais de mon côté le sentiment que tu décris est celui que je ressens : je trouve ça un peu indécent. Cela dit j'ai dans l'idée que les médecins ne sont pas totalement crétins ou déconnectés de la réalité, du moins je l'espère. A mon avis, les médias sont bel et bien au courant de l'ensemble des problèmes mais se focalisent certainement sur l'aspect financier pour une raison qui m'est obscure. L'actualité scientifique est très mal traitée dans la presse, on peut lire n'importe quoi, c'est déprimant, aussi je ne serai pas surpris que les journalistes (mais quels journalistes ??? je ne veux pas critiquer tout un corps de métier) traitent mal ce dossier également. Pour quelles raisons ? Je n'en sais trop rien toujours est il que c'est général à tout ce qui peut être su. Les médias auxquels j'ai accès se contentent de livrer des informations partielles sans le moindre traitement.

Aussi, les médecins ont sans doute des revendications peu compréhensibles peut ceux qui n'ont pas leur niveau de vie et ils sont nombreux, mais je n'exclue pas un traitement parcellaire par les médias classiques. bref, je suis tout à fait d'accord avec ta démarche et je t'en remercie.

 

O.S. : Tu as raison, les médias (et le gouvenement les en remercie, j'en suis sûre) choisissent de mettre le projecteur sur UN élément du problème, à mon avis parce que c'est celui qui est le plus pourvoyeur de lectures et de bruit. Je ne veux pas faire mon Caliméro, mais c'est loin d'être un problème aussi simple que "les médecins veulent garder le secteur 2" : déjà ce ne sont pas tous les médecins qui peuvent exercer en secteur 2 donc ça montre à quel point ceux qu'on entend ne représentent pas la totalité de la profession et surtout, ce n'est pas le seul point de désaccord ! Et malheureusement, c'est le plus affiché.

 

L. R. : Et tant qu'à faire, peux tu m'expliquer pourquoi les actes méritent une revalorisation ? C'est juste pour comprendre. Quant à l'argument des études longues, des responsabilités, des journées interminables, je pense que ces arguments peuvent faire doucement sourire tous les chercheurs du CNRS et tous les docteur ingénieurs de l'industrie sont les niveaux de rémunération sont à mon avis sans commune mesure avec celui d'un médecin. Après si je me trompe, je serai vraiment plus que ravi que tu m'éclaires.

 

O.S. : Les consultations médicales (et actes médicaux en tous genres) sont remboursées par la sécurité sociale sur le principe d'un tarif qui a été établi il y a 50 ans pour que les gens ne paient pas plus qu'ils ne sont remboursés.

 

Les médecins “conventionnés secteur 1” sont obligés de respecter ce "tarif".

Les médecins “conventionnés secteur 2” ont le droit d'appliquer le tarif qu'ils veulent "avec tact et mesure" (en gros, sans limite officielle) et leurs patients sont quand même remboursés sur la base du tarif de la sécurité sociale.

Les médecins “non conventionnés” ou “secteur 3” pratiquent les tarifs qu'ils veulent et leurs patients ne sont pas remboursés par la sécurité sociale (rien du tout). On peut passer du secteur 1 au secteur 3, ou du secteur 2 au secteur 3 si on veut.

 

Hors, les choses ont bien changé depuis, et ce tarif conventionné n'est plus adapté : plus de matériel coûteux, plus de charges, loyers plus élevés, etc. En gros, certains ont avancé une comparaison : le prix de la baguette a été réévalué régulièrement en 50 ans, la consultation médicale (et les autres actes) non. Imaginons : tarif "sécurité sociale" pour une appendicectomie : 80€. Coût réel d'une appendicectomie : matériel jetable, casaques du chirurgiens, salaire des aide-opératoires, salaire du chirurgien, électricité, eau, etc. etc. => tu commences l'appendicectomie que tu es déjà en déficit sur ton geste en payant 2 casaques stériles ! D'où les dépassements d'honoraires devenus "indispensables" pour maintenir une entreprise (clinique, cabinet médical) à flot. Ce n'est qu'un exemple, pas “la vérité, toute la vérité, rien que la vérité”. Ce qu'il faut effectivement montrer du doigt, ce sont les dépassements d'honoraires HALLUCINANTS de CERTAINS praticiens (du genre 500€ la consultation de 15 minutes sous prétexte qu'il est super connu et le référent en la matière) qui restent des cas particuliers, pas le cas général, pas la référence sur laquelle il faut se baser pour dire "les dépassements d'honoraires, c'est nul".

 

L. R. : Ca c'est un argument ! Mais la revalorisation des actes va-t-elle passer par une augmentation des remboursements de la sécurité sociale (qui s'en passerait très volontiers j'imagine...) ? Parce que c'est recevable, mais si le taux de remboursement reste identique, les conséquences vont être assez "dramatiques" pour pas mal de monde. En fait, peut-être que ce n'est pas faisable ? (Nuance mon propos, pour moi en prenant son temps et en réfléchissant bien, on peut faire des choses fantastiques et concilier des antagonismes par des moyens élégants.)

 

O. S. : Si les tarifs augmentent par une revalorisation des actes, ça entraîne forcément un remboursement à la hauteur du tarif revalorisé. Donc plus de dépenses pour la sécurité sociale. C'est pour ça que je pense que ce n'est pas nécessairement le point le plus "vendeur" du mouvement de mécontentement... Dans un monde idéal, les examens prescrits par les médecins seraient uniquement des examens indispensables, ce qui fait qu'il y aurait beaucoup moins de prescriptions ET remboursements d'examens INUTILES et donc une redistribution de l'argent vers une revalorisation des actes. Le problème, c'est qu'il est plus facile de ne pas revaloriser les actes que de gérer la prescription d'examens inutiles (ce qu'on essaie de faire depuis bien longtemps côté médecins, mais aussi côté patient avec une demande toujours plus fréquente et pressante / insistante sans écouter les arguments de refus). Et les conséquences financières seraient beaucoup plus tardives OR c'est maintenant qu'ils n'ont pas d'argent donc c'est maintenant qu'ils cherchent des postes sur lesquels économiser. C'est pour ça qu'il y a un status quo sur la revalorisation des actes depuis 50 ans ! CQFD

 

Le point de la liberté d'installation à mon avis est bien plus fédérateur et concerne aussi directement la population : des solutions passant par des maisons médicales ont été proposées par des médecins ayant une activité libérale (propositions concrètes avec plan financier et tout) pour une solution à LONG TERME. Mais c'est le long terme qui les embête : pour eux, il n'y a pas de médecins MAINTENANT, il faut en mettre MAINTENANT. Sauf que comme pour la réduction drastique du numerus clausus dans les années 80 qui entraîne les conséquences qu’on connaît (pénurie de médecins), les solution coercitives proposées sont une solution à COURT TERME : une fois que les 5 ans (ou 3 ans ou 1 an) du médecin libéral FORCE de s'installer à Trouperduville sont écoulés, il va se CASSER de Trouperduville et Trouperduville devra trouver un autre médecin. C'est “tellement bien” pour un bon suivi médical d'avoir un médecin qui compte les jours avant de se casser et qui change tous les 5 ans... Qui plus est, un médecin seul sans Poste, sans école, sans gare, sans perspective d'installation à long terme, sans radiologue, sans biologiste, sans kinésithérapeute, sans infirmière libérale, sans confrère spécialiste à 50 km à la ronde !! Dans le cas des maisons médicales (une des solutions proposées par ces médecins qui s’y sont collés, voir par exemple http://ledocteurcouine.wordpress.com/2012/09/03/dun-oasis-dans-les-deserts-medicaux), ce serait un regroupement de professionnels de santé en tous genres qui seraient contents de travailler dans de bonnes conditions donc qui seraient probablement prêts à faire un effort pour aller plus loin... Ce que les médecins ne veulent pas, c'est se retrouver tous seuls au milieu de nulle part à exercer dans de mauvaises conditions. Si les conditions étaient favorables, certains médecins hésitants actuellement pourraient pencher pour cet exercice (en tous cas plus qu'actuellement). Il s'agit AUSSI de la bonne prise en charge du patient, un médecin tout seul au milieu de nulle part ne pourra pas faire grand chose, aussi bon soit-il.

 

L. K. (interne de médecine générale) : Et dans un monde idéal, la sécurité sociale ne copinerait pas avec l’industrie pharmaceutique ! Ne rembourserait pas pléthore de médicaments inutiles voire dangereux. Ne ferait pas sa faux cul sur les génériques (si le princeps coûte si cher, décider d'un prix plus bas lors des négociations avec les laboratoires !!)

 

Et j'ajouterai que c'est trop facile et complètement injustes de faire payer à de jeunes gens plein de projets, parce qu'ils sont médecins, la politique déplorable d'aménagement du territoire depuis des années! (Ou plutôt de désaménagement du territoire ?). On veut forcer des jeunes médecins à s'installer au milieu de nulle part alors qu'on a justement supprimé les petits hôpitaux "de proximité", si importants, pour tout regrouper en superstructures ! En plus les "déserts médicaux" n'existent pas: ce sont des "déserts" tout court que toute structure/commerce a quitté !

 

L. R. : Non sérieusement, je viens enfin de comprendre le problème. Il m'a fallu quoi 15 minutes et une dizaine de messages... Mais pourquoi personne ne sait ça ?! Un médecin qui pleure sur son salaire, franchement ça me choque, je ne comprends pas. Mais présenté comme ça, c'est d'une telle limpidité. Je crois que ça ferait du bien de voir les choses telles que tu les présentes. La presse en France c'est vraiment de la daube, pourquoi ne sait on pas tout ça ?! Il faut lire quoi et aller ou ?! Bref, juste merci.

 

SOURCE :

Chers confrères... Conversation avec un non médecin
https://docs.google.com/document/d/1Ji5VRsnggN9E8nQqw9Gy9GnCGI8mXMKYEEgOSOb6oNk/mobilebasic


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