Démographie : l’heure des contraintes
Va-t-on bientôt obliger les généralistes installés dans des zones où ils sont jugés trop nombreux à consulter en plus dans des zones déficitaires ? En mettant sur la table d’entrée de jeu à la négociation conventionnelle sur la démographie les « contrats santé solidarité », le directeur de l’Uncam a donné le ton mais n’a pas choisi la facilité.
Le concept est cependant resté suffisament flou pendant le « round d’observation » de la réunion de mercredi pour ne pas braquer d’emblée les syndicats médicaux. Pour l’instant, il s’agit d’instituer « un contrat santé solidarité portant engagement de répondre aux besoins de santé non couverts par ailleurs, pour chaque médecin généraliste de premier recours ». Mais les obligations ne sont pas encore clairement définies. Il est ainsi, plus ou moins, envisagé de demander aux généralistes (mais pas encore aux autres spécialités …) d’exercer une petite partie de leur activité dans une zone déficitaire à une distance raisonnable de leur cabinet principal.
Ainsi on peut imaginer qu’un Parisien puisse devoir faire quelques vacations en Seine-Saint-Denis dans une maison de santé ou un cabinet secondaire, un Niçois participer à la permanence des soins dans une zone déficitaire de l’arrière-pays ou un Alsacien participer à un réseau au niveau régional. Et en cas de refus de la part de ces médecins généralistes installés depuis longtemps dans une zone considérée aujourd’hui comme surdotée? Il y aura des mesures de « régulation conventionnelle respectant la solidarité intergénérationnelle ».
Des contraintes financières pour les récalcitrants
Autrement dit, des contraintes financières ou une baisse de la participation des caisses aux cotisations sociales des médecins, par exemple. Reste encore à savoir quels seront les praticiens concernés. Un projet d’arrêté relatif aux critères de classification de zones par niveau de dotation en médecine générale est en cours d’écriture.
Pour les syndicats, il est difficile de signer quoique ce soit avant de savoir si le nouveau contrat engagera quelques dizaines ou quelques milliers de généralistes. Mais quoi qu’il advienne de ces contrats, le changement de discours doit retenir l’attention. Pendant des années, les ministres de la Santé successifs et l’Assurance Maladie avaient répété que les mesures coercitives n’interviendraient que lorsque tout le reste aurait échoué. Frédéric van Roekeghem aurait en préambule rappelé la volonté ferme du gouvernement et du président de la République de voir aboutir des mesures concrètes sur la répartition des médecins. « Je suis très étonnée que l’on commence par parler du contrat santé solidarité qui est la dernière des dernières des mesures qui a été proposée aux Etats généraux de l’offre de soin avant même d’aborder les mesures incitatives qui avaient fait l’objet d’un consensus » a commenté Bérengère Crochemore, présidente de l’Isnar-IMG, « observatrice » de cette négociation.
Les représentants des étudiants et des internes se sont en effet présentés mercredi à la Cnam sans avoir été officiellement invités (lire notre édition web du 16/07/2008). Frédéric van Roekeghem les a reçus comme si de rien n’était. « C’est une bonne chose que nous ayons pu rentrer, ce n’était pas gagné d’avance, a admis Marcellin Gomont, vice-président de l’Association nationale des étudiants en médecine (ANEMF). Mais nous sommes très surpris qu’il n’ait pas été question des stages ambulatoires, du guichet unique à l’installation ou des maisons de santé pluridisplinaires ».
Le bilan de l'avenant 20
Est-ce à dire que les mesures incitatives sont déjà tombées aux oubliettes ? L’Uncam a tiré un premier bilan de la seule mesure incitative d’envergure mise en place pour l’instant : l’avenant 20 qui a instauré un bonus de rémunération de 20% pour les généralistes exerçant en groupe dans les zones déficitaires. Ainsi 548 médecins ont bénéficié de cette option conventionnelle et en ont tiré en moyenne 14 819 euros de revenus supplémentaire. Une cinquantaine de médecins ont même perçu un forfait de plus de 25 000 euros. « Il convient néanmoins de distinguer l’effet d’aubaine de la réelle incitation, a expliqué Frédéric van Roekeghem au Généraliste. Une trentaine de médecins se sont installés depuis la mise en place de cette option. Mais l’élément financier ne semble pas décisif dans le choix de l’installation ». Selon une enquête menée par la Cnam auprès de ces praticiens, la motivation principale de l’installation est personnelle : les professionnels de santé vissent leur plaque dans leur région d’origine.
Des écarts de revenus entre spécialités préjudiciables à la médecine générale
Néanmoins, même si la rémunération n’est pas le seul facteur décisif dans les choix d’un professionnel, la Cnam reconnaît désormais que les écarts de revenus entre les spécialités peuvent rendre certaines d’entre elles moins attractives pour les futurs médecins et nuire en particulier à la médecine générale.
Mais le directeur souhaite un rééquilibrage à enveloppe constante. Le principe de la revalorisation du C à 23 euros est toujours acquis mais aucun calendrier n’a encore été fixé et les contreparties en terme de maîtrise médicalisée n’ont pas encore été abordées. De son côté, MG France a proposé, pour tous les médecins traitants, la mise en place d’un forfait annuel par patient sur la base du C2 mais modulable en fonction de la densité médicale.
En guise de réponse, la Cnam a sorti les calculettes : un tel forfait lui coûterait autour de 1,6 milliard par an. Autant dire que l’idée risque de faire long feu. De plus, bien qu’elle fut l’une des préconisations principale des EGOS, l’expérimentation de nouveaux modes de rémunération tourne pour l’heure autour d’une seule idée : les contrats individuels avec prime aux résultats. Ces derniers feront l’objet d’une négociation technique ce vendredi. Les syndicats libéraux semblent avoir rangé leurs réticences après avoir obtenu que le contrat soit une « option conventionnelle».
Le C à 23 euros dans un accord global
Le second gros morceau de la réunion de ce vendredi sera la mise sur pied du secteur optionnel, qui vise à encadrer les dépassements d’honoraires des spécialistes. Preuve que le sujet sera abordé sérieusement : les représentants des assurances complémentaires ont également été conviés. Trois réunions sont enfin programmées pour la semaine prochaine. L’Assurance Maladie espère aboutir à l’issue de ce cycle de négociation, menée au pas de charge, « un accord global ». Le C à 23 euros fait partie de la corbeille mais les contre-parties semblent de plus en plus lourdes.
Véronique Hunsinger