25 Novembre 2007
1/ Certificats post-mortem
2/ Assurance annulation de voyage
3/ Certificat en vue d'une souscription
4/ Patient ayant déclaré un risque aggravé
5/ Souscription contrat d'assurance OU mutuelle complémentaire
A la suite du décès d’un contractant, les assureurs désirent vérifier que la cause du décès est étrangère à une éventuelle clause d’exclusion de garantie figurant dans le contrat, ou que le contractant n’a pas omis, lors de la souscription, de signaler tel ou tel antécédent.
Le médecin traitant ou le médecin qui a constaté le décès sont alors contactés, soit directement, soit par l’intermédiaire des ayants droit pour rédiger un certificat détaillé mentionnant : les antécédents du patient, la cause du décès, la date d’apparition des premiers symptômes, la date de diagnostic de la maladie.
La position du CNOM a été jusqu’à présent de soutenir que le médecin lié par le secret médical ne devait pas répondre à ce type de question
On admettait, tout au plus, qu’il dise si la mort avait été naturelle, due à une maladie, ou à un accident, ou encore qu’elle était étrangère à une clause d’exclusion du contrat qui lui avait été communiqué.
Aucune modification de nos règles déontologiques ne nous conduit actuellement à changer une attitude basée sur le principe d’intérêt public du secret médical.
Cependant la loi du 4 mars 2002 permet aux ayants droit d’un patient décédé d’accéder à son dossier médical, dans la mesure où cela est nécessaire à :
faire valoir leurs droits, connaître la cause de la mort, défendre la mémoire du défunt.
Les médecins des compagnies d’assurance peuvent ainsi accéder aux données qu’elles recherchent lorsque ces documents leurs sont ensuite transmis.
Se trouvent ainsi souvent révélés plus d’éléments qu’il n’en était demandé à l’origine. Bien que les documents médicaux fournis aux ayants droit ne doivent pas aller au-delà de ce qui est nécessaire pour faire valoir leurs droits (art L.1110-4 du code de la santé, Conseil d’Etat, 26 septembre 2005, Conseil national de l’Ordre des médecins n° 270234).
Pour vérifier la réalité d’un motif médical d’annulation de voyage les compagnies réclament souvent à leurs contractants un certificat détaillé.
Ce motif médical peut concerner le contractant lui-même ou l’un de ses proches dont la santé se serait brutalement dégradée.
Dans un arrêt du 18 mars 1986, la cour de cassation a relevé qu’un assuré démontrait son droit à indemnisation par la production de certificats médicaux faisant état d’hospitalisation ou de traitements en cours.
Mais depuis cet arrêt est intervenue la loi n° 2002-303 du 4 mars 2002, qui donne au patient ou à ses ayants droit, dans certaines conditions s’il est décédé, accès au dossier médical.
La situation est ici différente selon que l’annulation du voyage est le fait de la santé du patient ou de celle d’un proche et, dans ce dernier cas selon que ce proche est vivant ou décédé.
1. Dans le cas où le malade est le contractant : si le médecin refuse la délivrance d’un certificat détaillé, l’assureur peut demander la communication d’éléments du dossier médical auxquels l’assuré a légalement accès. Il peut donc s’il le désire communiquer les éléments de son dossier qu’il se sera ainsi procurés.
2. Dans le cas où le malade est un proche maintenant décédé : si le contractant est un ayant droit, et dans ce cas seulement, il peut là aussi demander communication des éléments du dossier nécessaires à faire valoir ses droits.
3. Dans le cas où la personne n’est pas décédée : le contractant n’a aucun droit d’accès et l’assureur ne peut exiger la communication de données médicales concernant un tiers, que ce soit au travers d’un certificat ou de la communication d’éléments du dossier.
L’accès aux données diffère selon que le patient est vivant ou décédé ou selon que le malade est l’assuré ou un proche !
Conformément à la décision de la Cour de cassation, un certificat d’hospitalisation ou de traitement en cours est suffisant et la compagnie d’assurances ne peut exiger davantage.
En cas d’hospitalisation, un bulletin de situation peut être demandé à l’administration hospitalière.
Lors de la souscription d’un contrat d’assurance, décès invalidité le plus souvent, mais aussi parfois pour un contrat d’assurance automobile, l’assureur demande, voire exige, que le souscripteur fasse remplir par son médecin traitant un questionnaire médical qui ne se limite pas aux données d’un examen clinique à jour dit mais fait référence à des antécédents ou traitements en cours.
Le Conseil national de l’Ordre des médecins considère que l’état de médecin traitant n’autorise pas le praticien à remplir et signer un tel questionnaire.
Les termes de l’article 105 du code de déontologie sont clairs :
« Nul ne peut être à la fois médecin expert et médecin traitant d'un même malade.
Un médecin ne doit pas accepter une mission d'expertise dans laquelle sont en jeu ses propres intérêts, ceux d'un de ses patients, d'un de ses proches, d'un de ses amis ou d'un groupement qui fait habituellement appel à ses services ».
Or c’est bien en qualité de médecin expert que le praticien interviendrait ici, mandaté par l’assureur qui, généralement, prend en charge les honoraires, et qui, parfois, demande en fin de questionnaire ses conclusions à l’examinateur et son opinion sur un éventuel surrisque assuranciel.
Le médecin traitant ne pouvant être médecin expert, il doit récuser son concours. L’assureur ne peut exiger que ce soit lui qui remplisse le document médical de souscription.
C’est un autre médecin choisi par le patient ou désigné par la compagnie qui doit examiner le contractant.
Le patient peut demander au médecin traitant les éléments nécessaires à la constitution du dossier.
Lorsque dans le cadre des conventions qui régissent les rapports des patients porteurs d’un risque aggravé et les assurances (convention AERAS) un malade a déclaré sa maladie au cours de la souscription du contrat la situation n’est plus la même.
La maladie est connue du médecin de la compagnie, elle a librement été déclarée par le patient qui n’est plus exposé à voir sa confiance trahie par son médecin.
Dans ce cas, donc, on peut admettre que le médecin traitant ou le spécialiste en charge du patient réponde à un questionnaire ciblé qui permette de renseigner le médecin de la compagnie dans la mesure où ce questionnaire s’en tient aux seules données objectives du dossier, et ne concerne que la pathologie déclarée.
Une telle attitude permet d’accélérer une procédure compliquée par la situation du patient sans qu’il soit en quoi que ce soit trahi puisqu’il a lui-même en toute liberté déclaré sa maladie.
Concernant le cas des prises en charge par les assurances et mutuelles complémentaires, lors de la souscription, les règles sont les mêmes que ci-dessus ; là encore le médecin traitant, lié par l’article 105 du code de déontologie médicale ne peut-être médecin expert.
Contrairement aux médecins de caisses d’assurance maladie (Art 50 du CDM), les médecins des compagnies d’assurance et des mutuelles complémentaires ne sont autorisés par aucun texte à demander des renseignements au médecin traitant, pas plus qu’ils ne sont autorisés à demander photocopie de la première page d’un arrêt de travail où figure le motif de cet arrêt (art. L-1110-4 du code de la santé publique, alinéa 5 et article 162-4-1, 1° du code de la sécurité sociale).
C’est d’ailleurs à cette condition que le Conseil constitutionnel a validé cet article de la loi de financement de sécurité sociale en 1999.
« Considérant qu'il ressort des termes mêmes de la disposition critiquée que les informations d'ordre médical en cause sont destinées au seul « service du contrôle médical »; que les médecins-conseils composant ce service sont, en vertu de l'article 104 du code de déontologie médicale, astreints au secret sur les renseignements médicaux directement ou indirectement nominatifs qui leur sont transmis, y compris envers l'organisme qui fait appel à leurs services ; que devront toutefois être mises en place des modalités d'acheminement de ces documents aux médecins-conseils de nature à assurer la stricte confidentialité de la transmission des informations qu'ils contiennent ; qu'eu égard à sa finalité, qui est de remédier à l'augmentation excessive des dépenses en cause et à leur caractère éventuellement injustifié, la disposition critiquée ne porte pas au respect de la vie privée, sous la réserve ci-dessus énoncée, une atteinte de nature à méconnaître l'article 2 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen ; » Conseil constitutionnel, décision n° 99-422 DC du 21 décembre 1999 (Loi de financement de la sécurité sociale pour l’année 2000, art.25).
Là encore, le patient ayant accès à son dossier médical peut ensuite en communiquer des éléments au médecin conseil de l’assurance.
CONCLUSION
Attaché au secret médical, principe d’intérêt public, le Conseil national de l’Ordre des médecins ne peut, comme par le passé, que recommander aux médecins la plus grande discrétion et la plus grande prudence, laissant aux patients ou à leurs ayants droit la latitude de divulguer eux-mêmes les informations auxquelles ils ont accès dans les dossiers médicaux.
Il est toutefois licite de conseiller les malades ou leur famille en leur indiquant par exemple les éléments nécessaires à la satisfaction des demandes de l’assureur, en se gardant absolument de se rendre complice de fraude ou dissimulation quelle qu’elle soit.
Adopter une attitude pragmatique en conseillant une plus grande souplesse dans les réponses aux demandes des assureurs, conduirait à se mettre en contradiction avec le code pénal et le code de déontologie.
Dans sa décision du 21 décembre 1999 le conseil constitutionnel rappelle que, selon l’article 12 de la déclaration des droits de l’homme à laquelle notre pays adhère :
« Nul ne sera l'objet d'immixtions arbitraires dans sa vie privée, sa famille, son domicile ou sa correspondance, ni d'atteintes à son honneur et à sa réputation.
Toute personne a droit à la protection de la loi contre de telles immixtions ou de telles atteintes. »
Le respect du secret médical est ainsi implicitement reconnu comme un droit humain fondamental.